Je voulais comprendre. Comprendre pourquoi, à chaque fois qu’il était question de ce roman, je me mettais dans une colère impressionnante. Une vraie colère, comme je l’aurais fait contre une personne.
Pas contre le roman lui-même d’ailleurs, mais contre le personnage. Contre son choix. C’est horrible à dire, mais j’arrive à comprendre Médée, pas la Princesse de Clèves. « Cette connasse qui a la chance infinie de rencontrer un homme qu’elle aime et qui l’aime, que l’Univers lève tous les obstacles contre leur amour, et qui refuse ce cadeau merveilleux ».
En fait, je considérais cette attitude comme une insulte envers la vie et l’amour, et envers toutes celles qui n’ont pas eu la chance de le rencontrer, cet amour. Et, donc, cela me mettait dans une rage folle. J’ai d’ailleurs écrit un jour un petit texte où elle était punie, après sa mort, de ce refus qui s’apparente à un blasphème : elle est condamnée, pour plusieurs vies, à chercher désespérément l’amour et à ne pas le trouver.
Et puis, l’autre jour, quelqu’un (ma thérapeute) m’a dit que si sa manière d’agir me mettait autant en colère, c’est que ça touchait quelque chose chez moi, quelque chose avec quoi je n’étais pas en paix, et pas forcément ce que ça avait l’air d’être de prime abord.
Alors je l’ai relu, avec un regard nouveau, et j’ai compris qu’il y avait effectivement un effet miroir dans cette histoire, et que j’étais à travers elle en colère contre certains de mes choix de vie.
Le choix de la Princesse de Clèves, c’est celui de la tranquillité : l’amour c’est fatigant, risqué, ça demande du courage qu’elle n’a pas. Aimer c’est s’inquiéter, douter, trembler, et pour elle sa tranquillité d’esprit n’a pas de prix. L’amour nous enlève à nous-même, nous demande de nous abandonner, et elle préfère être à elle-même. Il y a de la fierté et de l’orgueil dans son choix, qu’elle déguise en vertu mais on ne me la fait pas à moi : elle fait le choix de l’ego et non du cœur, et je plaide coupable pour l’avoir fait aussi, parfois.
J’ai aussi acquis la certitude (avec laquelle beaucoup ne seront pas d’accord) qu’elle n’est de toute façon absolument pas amoureuse du duc de Nemours, parce qu’elle est incapable d’amour, et qu’au final son choix est donc le bon – il aurait sans doute souffert.
Parce que quand on aime, on fait confiance. Et qu’elle en est incapable : se montrer courageuse, se montrer vulnérable.
On l’aura noté, je ne suis toujours pas tendre avec ce personnage, que je ne trouve absolument pas sublime mais au contraire d’une grande lâcheté. Mais je suis contente de l’avoir relu car cela m’a permis de comprendre ce que ça touchait chez moi, de me réconcilier avec cette part passée de moi, de pardonner, et je peux désormais en parler sans colère, et c’est bien.









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