Rêver l’obscur, de Starhawk : pour un monde réenchanté

Rêver l'obscur, de Starhawk : pour un monde réenchanté

L’amour connecte, l’amour transforme. En aimant le monde pour ce qu’il est et pour notre vision de ce qu’il pourrait être, en aimant les créatures du monde (y compris nous-mêmes), en protégeant le torrent, en ramassant les ordures à nos pieds, nous pouvons transformer les choses. Nous pouvons nous réapproprier le pouvoir de donner forme à nous-mêmes et au monde autour de nous.

L’autre jour, cet essai était sur la table librairie du colloque sur les sorcières, et vu que je voulais le lire depuis longtemps, je l’ai bien évidemment acheté, d’autant que j’en avais besoin pour poursuivre mes recherches (on peut difficilement parler de sorcellerie aujourd’hui sans faire référence à Starhawk). Et comme nous entrons dans le portail énergétique de Samhain, c’est le jour idéal pour en parler.

Dans cet essai (paru en 1982 mais qui a dû attendre 2015 pour être traduit en français), Starhawk entend relier le spirituel (elle appartient au mouvement wicca dianique) et le politique. En fait, elle entend plus généralement relier, réunifier tout ce qui a été séparé par le patriarcat, et redonner au monde son immanence.

Pour cela, elle s’intéresse au « pouvoir du dedans« , au langage, à l’éthique de la magie (l’intégrité), à la magie comme volonté, au paysage de la culture, à l’importance du groupe (elle y consacre deux chapitres), au sexe, et à l’importance des rituels. L’essai comprend aussi un passionnant appendice sur la chasse aux sorcières et son contexte historique. Le tout est pris dans le contexte d’une action directe : l’opposition à la construction de la centrale nucléaire de Diablo Canyon.

Lorsque j’ai ouvert cet essai, je m’étais préparée à ne pas être d’accord avec tout, c’est le jeu dès qu’il est question de féminisme, et Starhawk elle-même anticipe ces désaccords. Et bien pas du tout : j’ai été d’accord avec tout, et cet essai rejoint globalement les idées et thèmes que j’ai développés ces derniers mois (ce qui explique que je ne l’ai pas lu avant : j’avais sans doute besoin de m’approprier ces « intuitions » avant de les lire chez d’autres).

Et notamment toutes les analyses concernant ce principe de division et de séparation, ce dualisme qui est la pire des plaies de notre système. Il s’agit donc de redonner toute la place à l’immanence, qui ne sépare pas l’homme ni du monde ni du divin. Et redonner sa place à la sexualité : pour Starhawk d’ailleurs (et c’est mon avis aussi) la répression de la sexualité, la séparation corps/esprit qui empêche de jouir pleinement du monde, de l’habiter érotiquement (nous y reviendrons : j’ai trop à dire sur le sujet pour ne pas y consacrer un article entier) est à l’origine de tous les maux.

Si la magie consiste à modifier les consciences, c’est ce que fait Starhawk avec cet essai que tout le monde devrait lire, car il propose vraiment des pistes pour un monde nouveau, réenchanté. Il y a quelques rituels, mais ce n’est pas un grimoire : c’est un puissant outil de réflexion, qui nous invite aussi à entrer en action. Et un de mes objectifs désormais sera de participer à une spiral dance !

Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique.
STARHAWK
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Morbic
Cambourakis, 2015