Le pouvoir des histoires

Sophie Calle - 38 histoires vraies, 2017

L’autre jour, je suis tombée sur le travail de Rachael Stephen, d’abord autour du storytelling, avant de tomber dans son contenu sur le plot embryo qui m’a littéralement passionnée.

Le plot embryo ? Même si vous êtes écrivain, il est fort probable que vous ne connaissiez pas, parce qu’en France, on ne l’utilise pas. On aurait plutôt tendance à utiliser le schéma narratif de Gérard Genette, qui n’est pas du tout la même chose même si on peut ensuite fusionner les deux, comme nous l’allons voir.

Le plot embryo, que l’on va traduire par « matrice de l’intrigue » (sauf si vous trouvez mieux), a été développé par Dan Harmon, à partir du monomythe héroïque tel que l’explique Joseph Campbell dans Le héros aux mille et un visages. Et cela donne quelque chose comme ça :

Plot embryo
Plot embryo

On part du protagoniste (« you »), ignorant mais dans un monde connu. Il a besoin de quelque chose et part donc en quête, et pour cela, entre dans le « non familier », où il va apprendre, se développer, trouver l’objet de sa quête (dans le cadre du récit héroïque : si le récit est tragique, il ne trouve pas) et rentrer, à nouveau dans une situation de stabilité et d’ordre, mais cette fois il est éveillé (il n’est plus le même qu’au début).

A cette matrice, il me semble que l’on peut tout à fait superposer le schéma narratif de Genette, qui part d’une Situation Initiale d’équilibre (le « you »), puis l’introduction d’un Elément Perturbateur qui déséquilibre, les péripéties, l’Elément de résolution (le retour), et enfin la Situation Finale (un nouvel équilibre).

Cette matrice peut, évidemment, et c’est ainsi que Rachael Stephen s’en sert, être la base pour les écrivains, en leur permettant de poser leur intrigue en une page. Bon, pourquoi pas, mais je pense que c’est un peu trop rigide pour moi de procéder ainsi.

Par contre, je trouve qu’il est fascinant de projeter cette structure sur toutes les histoires qui nous entourent, et pas seulement la littérature. Parce qu’il me semble qu’en ce moment, c’est aussi à une guerre des histoires que nous assistons. Et même, comme le dit Alice Zeniter, des « histoires de mecs qui font des trucs ».

Tout simplement parce que les histoires ont un pouvoir immense. Les histoires façonnent le monde, et notre vision du monde.

La narration coule dans les veines de l’humanité depuis toujours. Raconter est notre mode d’être. Mais, comme le disait Ursula Le Guin, peut-être est-il temps de changer les histoires que nous racontons…

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