Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ? de Pierre Bayard

Un paradoxe ?

On ne peut en effet oublier que même un grand lecteur n’a jamais accès qu’à une proportion infime des livres existants. Et se trouve donc en permanence, sauf à cesser définitivement toute conversation et toute écriture, contraint de s’exprimer à propos de livres qu’il n’a pas lus.

Il peut paraître paradoxal de parler d’un livre dont le propos est d’expliquer comment parler des livres qu’on n’a pas lus : cela pourrait engendrer une méfiance certaine de la part de mes lecteurs. D’autant que, je dois l’avouer, tout au long de ma scolarité je me suis montrée assez douée pour disserter, faire des fiches et des contrôles de lecture sur des livres que j’avais à peine ouverts, puisque j’ai eu la malchance de souvent tomber sur des profs qui me demandaient de lire des œuvres qui vraiment ne me parlaient pas et avec lesquelles je ne voulais pas perdre mon temps précieux.

Du reste, il peut même sembler paradoxal de le lire, ce livre. Mais j’aime Pierre Bayard, j’aime son originalité, j’aime ses théories parfois un peu fantasques, en tout cas a priori (il maîtrise l’art des titres affriolants) et cela faisait longtemps que j’avais envie de me faire ma propre opinion sur cet essai dont on a tant entendu parler. Après avoir eu beaucoup de mal à le dénicher, c’est désormais chose faite.

On ne peut pas lire tous les livres qui ont été écrits

Le constat de départ est simple : compte tenu de l’infini des possibles, on ne peut pas tout lire, et on est donc forcément amené, dans la vie, à parler de livres qu’on n’a pas lus. Et encore, cela n’est pas si simple. Toute la première partie de l’ouvrage met en place une théorie de la lecture, et analyse ses pratiques, dont l’échelle est beaucoup plus large que la simple opposition j’ai lu/je n’ai pas lu : il existe divers degrés de non-lecture comme de lecture.

Partant de là, l’auteur expose les différentes situations de discours où on peut être amené à parler de ces livres « non-lus », la pire étant peut-être lorsqu’on se retrouve face à l’écrivain, et la personne la plus exposée à ce genre de situation, l’enseignant. Enfin, il examine les conduites à tenir dans de telles situations. Tout cela, en se fondant sur des livres… que l’auteur n’a bien sûr pas lus.

Une transformation profonde de notre relation aux livres

Il serait faux de croire que cet essai se réduit à être un guide du dilettantisme et de la cuistrerie. En fait, sous une apparence provocatrice qui pourrait sembler un éloge de l’ignorance et de l’inculture, l’auteur (encore une fois) élabore des concepts novateurs et lumineux, et appelle à une transformation profonde de notre relation aux livres et à la lecture. Finalement, ne pas lire les livres ouvre un espace de créativité où s’épanouit la personnalité, et parler des livres qu’on n’a pas lu se transforme en acte de création, sous-tendu par notre bibliothèque intérieure.

Je terminerai sur la conception wildienne, à laquelle je souscris totalement, de la critique littéraire : pour lui, elle vise à parler de soi plutôt que des œuvres, car les livres et la lecture ne sont finalement qu’un chemin vers soi. J’y reviendrai dimanche.

En tout cas, un essai que je conseille vivement (si vous arrivez à le trouver) car il décomplexe totalement face à l’ampleur de notre inculture à tous !

Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ? (lien affilié)
Pierre BAYARD
Editions de Minuit, 2007

4 réponses à « Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ? de Pierre Bayard »

  1. Avatar de Du concept de livre intérieur. Méditation sur Pierre Bayard « Cultur'elle

    […] vous parlais mercredi de l’essai de Pierre Bayard Comment parler des livres que l’on n’a pas lus? et je souhaitais revenir aujourd’hui sur deux concepts qui m’ont particulièrement […]

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  2. Avatar de Au jour le jour, de Paul Vacca | Cultur'elle

    […] comme exemple dans mes dissertations de littérature générale (oui, je suis la reine de l’esbrouffe). Ce qui n’était pas une raison pour ne pas lire le dernier roman de Paul […]

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  3. Avatar de Du concept de livre intérieur. Méditation sur Pierre Bayard – Caroline Doudet

    […] vous parlais mercredi de l’essai de Pierre Bayard Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? et je souhaitais revenir aujourd’hui sur deux concepts qui m’ont particulièrement […]

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  4. Avatar de Persuasion, de Jane Austen – Caroline Doudet

    […] faisait très longtemps que j’avais envie de découvrir Jane Austen (oui, je ne l’ai jamais lue faute d’occasions), d’autant qu’en ce moment, je lis beaucoup de textes écrits […]

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