Je suis la scandaleuse et la magnifique

Ne pas être prise au sérieux

J’ai lu l’autre jour une nouvelle qui raconte l’histoire d’une jeune agrégée de lettres que l’on ne prend pas au sérieux simplement parce qu’elle attache un soin particulier à son apparence physique et se pare de ses plus beaux atours pour se rendre au travail. Comme si on ne pouvait pas être crédible chaussée d’escarpins vertigineux et d’un caraco en soie. Cette nouvelle m’a beaucoup frappée, parce que c’est un peu mon problème quotidien, cette histoire…

Sortir des cases

Le problème est que les gens cherchent toujours à mettre les autres dans des cases, et des cases simplistes : soit tu es belle, soit tu es intelligente, soit tu es futile et superficielle, soit tu es cultivée et brillante. Mais surtout pas les deux, c’est trop !

Alors comme lorsque tu arrives ce qu’on voit d’abord c’est ta tenue, on a vite fait de te classer dans la catégorie « dinde décérébrée » parce que tu portes un jean tendance et un décolleté, que tu es bien maquillée et que ton sac à main coûte un mois de loyer. A la limite même, on pense que vu ton salaire, tu t’es sans doute chopé un vieux plein de sous pour te le payer, vendant ton corps de rêve au démon du luxe (ne rigolez pas, cette anecdote est autobiographique !).

On s’en fout finalement de tes études, de ta culture. On se dit que probablement, tu as eu ton doctorat dans une pochette surprise, tu as peut-être même couché avec le jury, vu que non, ce n’est pas possible : on ne peut pas être intelligente et s’intéresser à la mode, non non, tu ne tiens pas ton rang (ça me rappelle une scène dans le film ô combien intellectuel Bimboland dans laquelle Depardieu reproche à Godrèche de ne plus s’habiller à la hauteur de son intellect. Il veut bien qu’elle s’habille en cagole lorsqu’elle lui fait croire qu’elle est Brigitte, sa cousine décérébrée, mais lorsqu’elle est elle-même, la doctorante, elle doit s’habiller en mormone. En fait, ce film est beaucoup plus profond qu’on ne le croit).

Etre tout

Alors que la mode est justement ton sujet de recherches, et que la question des apparences est beaucoup plus profonde et complexe que ce qu’on croit (j’y reviendrai, car la question me tient à cœur !)

Et pourquoi on ne pourrait pas être tout ? Pourquoi on n’aurait pas le droit d’aimer aussi bien feuilleter un magazine à scandale en buvant un cosmopolitain que disserter de Foucault (le philosophe, pas Jean-Pierre) et refaire le monde autour d’un verre avec des amis ? Faire du shopping dans les boutiques de luxe que visiter une exposition d’art moderne ? Buller devant une comédie romantique ou une série américaine que passer l’après-midi à la bibliothèque ? Passer la nuit en boîte qu’assister à une conférence ?

Les identités complexes

Alors oui, je suis désinvolte. J’ai l’air, en tout cas. Je semble préoccupée de choses légères et futiles, je suis un papillon voletant à droite à gauche sans approfondir  les choses. J’ai l’air. Mais ce qui semble n’être chez moi que de la superficialité est au contraire une grande exigence esthétique. Ma légèreté est d’une grande profondeur…

Je terminerai sur ces vers, l’Hymne à Isis, tiré des manuscrits gnostiques de Nag’Hammadi. C’est la Grande Déesse Mère, myrionyme et protéiforme, qui parle, exprimant la complexité de l’humain et de la femme en particulier. Le rapport n’est pas énorme avec les lignes qui précèdent, mais j’aime tellement ce texte qu’il fallait bien que je trouve une occasion de le citer :

Parce que je suis la première et la dernière.
Je suis l’honorée et l’abhorrée.
Je suis la prostituée et la sainte.
Je suis l’épouse et la vierge.
Je suis la mère et la fille.
Je suis les bras de ma mère.
Je suis la stérile et mes enfants sont innombrables.
Je suis la bien mariée et la célibataire.
Je suis celle qui donne le jour et celle qui n’a jamais procréé.
Je suis la consolation des douleurs de l’enfantement.
Je suis l’épouse et l’époux
Et c’est mon homme qui m’a créée.
Je suis la mère de mon père.
Je suis la sœur de mon mari
Et il est mon fils rejeté.
Respectez-moi toujours
Car je suis la scandaleuse et la magnifique.

 

3 réponses à « Je suis la scandaleuse et la magnifique »

  1. Avatar de De la mode comme objet culturel… « Cultur'elle

    […] vous expliquais l’autre jour combien il m’arrivait de m’agacer devant les préjugés qui voulaient qu’une […]

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  2. Avatar de Bimboland, Cendrillon et la schizophrénie féminine – Caroline Doudet

    […] féminine, sexy, séduisante, et crédible d’un point de vue intellectuel. D’ailleurs, je parlais déjà de ce problème il y a […]

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  3. Avatar de Le Diable s’habille en Prada, de David Frankel – Caroline Doudet

    […] cette idée, quand même très présente, qu’aimer la mode est superficiel et qu’on ne peut pas à la fois aimer s’habiller avec goût et faire un travail sérieux ; d’ailleurs, à la fin, lorsqu’Andrea est engagée au New York Mirror, elle sacrifie […]

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Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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