Vies de Job, de Pierre Assouline

Vies de Job, de Pierre Assouline

Une obsession

Puisque ce que je trouve m’apprend ce que je cherche, je saurai à la fin pourquoi Job me hante depuis si longtemps, et par quel mouvement secret de l’âme et du cœur il obsède mes travaux et mes jours. Ma famille croit le savoir : « Tu te passionnes pour Job parce que tu te crois Job ! Le juste souffrant, c’est tout toi. »

Cela faisait longtemps que j’avais envie de découvrir les écrits de Pierre Assouline, dont je suis régulièrement l’excellent blog (que je n’ose pour autant pas commenter !). Lorsque je suis tombée sur son dernier ouvrage, qui a pour sujet un personnage biblique qui m’a toujours beaucoup intriguée, je me suis lancée. Ce fut une lecture difficile et longue, car le texte est très riche et ne se lit pas d’une traite, mais une lecture passionnante.

Le personnage au cœur du livre est donc Job, « le juste souffrant », héros du livre qui porte son nom dans la Bible. Son histoire est dramatique autant qu’exemplaire : du jour au lendemain, Job, un homme intègre et juste, perd tout, suite à un pari entre Dieu et Satan, qui vise à savoir si oui ou non un homme peut adorer Dieu de manière désintéressée. Job ne comprend pas ce qui lui arrive : ses amis lui assurent que s’il est puni, c’est qu’il a fauté, mais lui sait bien que sa punition est injuste. Pour autant, il refuse obstinément de se détourner de Dieu…

Mais ce n’est pas cette histoire que nous raconte le livre, qui n’est, malgré ce qui est écrit sur la couverture, ni roman, ni biographie, ni exégèse. C’est moins, et beaucoup plus que ça. Moins, parce que si on ne connaît pas à la base l’histoire de Job, ce n’est pas en lisant ce livre qu’on va l’apprendre. Mais c’est surtout beaucoup plus : c’est l’histoire d’une recherche, celle par l’auteur de son personnage principal, finalement on a ici une sorte de méta-livre qui nous explique comment s’est écrit le livre que l’on aurait cru lire, la biographie de Job.

Méditation sur le texte

C’est aussi une méditation sur un personnage riche de sens, en qui je pense chacun de nous peut se retrouver. De nombreux passages sont vraiment passionnants, sur les origines par exemple de l’histoire de Job, les mythes qui en seraient la source, le tout avec une érudition et un humour fort agréables.

Mais, car il faut un mais, quelques petits reproches : le prologue est assez indigeste, et on se demande s’il n’est pas simplement là pour décourager le lecteur dilettante ; de plus, l’auteur sombre parfois dans un intellectualisme un peu élitiste qui m’a à l’occasion agacée, surtout lorsqu’il s’accompagne d’un ton péremptoire et d’une tendance marquée au name dropping. 

C’est en tout cas un livre qui m’a beaucoup fait réfléchir. Peut-être même un peu trop : l’autre nuit, j’ai rêvé que j’allais dans le bureau de Dieu (oui, dans mon rêve Dieu est jeune et accort, et il a un bureau comme le proviseur d’un lycée) et je lui énumérais mes récriminations à son encontre. A part ça je vais bien, merci.

Ce livre m’a fait réfléchir, j’y ai trouvé de nombreuses pistes de médiation très stimulantes, j’ai appris beaucoup de choses et trouvé une expression que j’adore : Assouline parle d’une « émeute de signes » le conduisant à Job, et j’ai trouvé cela amusant non seulement parce que la métaphore est très jolie, mais aussi parce que j’ai trouvé, dans ce livre, moi aussi, une émeute de signes.

Vies de Job (lien affilié)
Pierre ASSOULINE
Gallimard, 2011 / Folio

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