Le Prochain amour, d’Yves Simon

Ecrire l’amour, encore

Hasard des horaires, caprices mécaniques, météo aléatoire, dans cet anneau de destin où je viens de pénétrer, et d’où je vais aussitôt ressortir, un ange attentionné aura pris soin de me faire rencontrer mon double noir et maléfique, celui que, paraît-il, chaque homme doit connaître un jour pour apprendre à ne plus avoir peur de mourir.

C’est étrange comme parfois l’œuvre de certains écrivains semble faite pour nous : on a alors l’impression, à chaque roman, de se lire soi-même. C’est un sentiment à la fois exaltant et inquiétant. C’est en tout cas ce que je ressens à chaque fois que j’ouvre un livre d’Yves Simon, comme si non seulement les mots s’adressaient directement à mon âme, mais encore avaient été arrachés à mon âme.

Nonobstant que le narrateur est un homme, ce qu’il écrit, j’aurais pu l’écrire aussi tant chaque parole vibre en moi…

Alors que le narrateur peine à se remettre de sa rupture avec Justine, son éditeur lui propose d’écrire sur un amour à venir, et lui donne même le titre de ce roman : Le Prochain amour. Mais lui ne peut pas écrire tant qu’il est malheureux. Alors, sur les conseils de sa voyante, il « ensemence la planète d’un amour attendu« , lançant des mots d’amour vers la femme future qui lui viendra, réenchantant le monde en s’ouvrant à lui. Justine prend sa place parmi les femmes du passé, afin que puisse surgir Irène.

Ensemencer le monde d’amour

Il y a toujours dans les romans d’Yves Simon une grande impression de familiarité quand ce n’est pas le premier, tant les thèmes et les personnages sont obsédants et reviennent, créant une grande unité autour de ce qu’on peut appeler la passion amoureuse.

Passion destructrice, qui rend l’homme fragile, et pose la question, sans y répondre, du plus grand mystère de l’humanité, le mystère fascinant de l’amour : personne ne comprend pourquoi il est amoureux d’elle, il n’y a aucune raison objective à ses sentiments, et pourtant, il se perd totalement dans cet amour pour cette femme qui le vampirise, le rendant incapable d’écrire et de voir que si au lieu de l’inspirer finalement elle l’assèche, c’est que quelque chose ne va pas.

Ici, l’amour et sa douleur sont intrinsèquement liés à l’écriture, à la création littéraire, rendant l’histoire d’autant plus bouleversante.

J’avoue que ce qui me bouleverse également, outre la très grande sensualité de l’écriture, c’est sa sincérité et sa sensibilité : le narrateur se met à nu, accepte de révéler ses faiblesses, accepte de dire qu’il souffre, et ça, c’est magnifique, d’autant plus que c’est finalement assez rare dans les œuvres dont on ne sait pas toujours quelle est la part autobiographique et la part de réinvention fictionnelle.

Enfin, je suis très intéressée par le motif des trois statuettes (très freudien) qui était déjà présent dans les Eternelles : un de ses amis lui offre un coffret contenant trois statuettes, représentant les trois femmes que chaque homme doit rencontrer dans sa vie. Celle qui donne, celle qui prend, et celle qui l’attend

Le Prochain Amour (lien affilié)
Yves SIMON
Grasset, 1996 (Le Livre de Poche, 1997)

 

Une réponse à « Le Prochain amour, d’Yves Simon »

  1. Avatar de La dérive des sentiments, d’Yves Simon – Caroline Doudet

    […] Un Instant de Bonheur, Les Eternelles et Le Prochain amour, je me suis plongée dans La Dérive des sentiments, Prix Médicis […]

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