La coureuse, de Maïa Mazaurette

La coureuse, de Maïa Mazaurette

La passion est une drogue

Sans ma came je ne tiens pas debout. Sans mec mignon au bureau je ne sors pas de chez moi. La séduction, le jeu du pouvoir et du mensonge, ont toujours été mon unique motivation. Je regrette pour les bébés dauphins à sauver et les champs de recherche à faire avancer mais je préfère être consciente de mes priorités. Moi, ce que je veux, c’est les montagnes russes : qu’on m’étourdisse et qu’on me défonce jusqu’au bord du coma. Si la passion est une drogue, alors la difficulté consiste à trouver un dealer talentueux, en phase avec les désirs du moment. Certains dealers vendent des produits nuls. D’autres vous emportent pour des années.

Maïa Mazaurette. On connaît son blog et ses chroniques pour divers magazines, qui lui ont valu le titre de « sexperte« . Elle est aussi à l’origine avec Arthur de Pins de certains Péchés Mignons. Et, pour couronner le tout, elle est écrivain. La Coureuse, qui sort aujourd’hui, est ainsi son quatrième roman (et le premier que je lis), et il se trouve qu’il a agréablement prolongé les réflexions métaphysico-ontologiques dans lesquelles m’avait plongé Reflets dans un oeil d’homme.

Maïa est une coureuse, une chasseuse d’hommes. D’eux, elle se lasse vite. C’est pour cela qu’elle quitte Alexander. Elle ne veut pas se compromettre dans une relation de couple engluée dans le quotidien.

Elle préfère la passion, qu’elle vient de retrouver avec Morten. Sans beaucoup d’illusions, cependant. Car, chez elle, l’amour dure deux ans

Contradictions féminines

Quelle bonne surprise que ce roman qui mérite, à mon avis, d’accéder au devant de la scène de cette rentrée littéraire.

De quoi s’agit-il ? D’une autofiction assumée qui, malgré de nombreux échos à Sex and the city (que ce soit par l’importance du sexe, l’héroïne rédactrice pour divers magazines, ou le riche Mister Big danois) est loin d’être seulement de la chick-litt.

L’héroïne est ici prise dans un réseau de contradictions que bien des femmes connaissent : le couple, la chasse, la consommation, le tout tout de suite, l’absence de frustration, le grand frisson perpétuel d’un côté, et le quotidien, le prince charmant, le grand amour et le couple perpétuel de l’autre.

Évidemment, ce questionnement est au cœur du chaos actuel des relations hommes/femmes, et c’est un questionnement sans doute générationnel (Maïa a le même âge que moi), j’y reviendrai.

Toujours est-il que j’ai vraiment beaucoup apprécié ce roman et son héroïne, son concept de « monogamie sérielle » (je le note pour plus tard !), la thématique du rôle que l’on joue dans le jeu de la séduction : finalement, on a presque là une sociologie du sexe et du couple, derrière une histoire, davantage celle d’une servitude volontaire (jusqu’à un certain point) que d’amour, véritablement.

Parce que Morten… bon sang que je l’ai détesté, en tout cas au début : le type qui veut tout contrôler, critique tout, veut la changer, le genre de mec qui te fait tomber au fond du gouffre, se sert de toi comme d’un trophée pour montrer sa réussite mais te donne toujours le sentiment que tu n’es jamais assez bien. Trop grosse, pas assez intelligente, maladroite…

Evidemment, ce qui est intéressant dans cette relation qui n’est autre finalement qu’un enjeu de pouvoir, c’est comment, malgré tout, elle se soumet. Et là, on met bien évidemment, encore une fois, le doigt sur certaines contradictions inhérentes au féminisme dont je parlais l’autre jour : la féministe en moi me dit que, mais la femme dit le contraire. Alors elle se fait poupée, s’habille dans le regard de l’homme, minaude, cherche à plaire, parce que, malgré tout, c’est ce qu’elle veut, elle

Alors, pour tout dire, ce roman m’a énormément plu, tout autant qu’il m’a perturbée. C’est le roman que j’aurais pu écrire, dans les grandes lignes. Ou plutôt, tout en étant radicalement différent, il est aussi très semblable au mien. Les mêmes schémas. Les mêmes obsessions, les mêmes désillusions. Et, oui, je pense que c’est une question de génération.

Nous, les trentenaires, sommes-nous une génération sacrifiée sur l’autel de la complexité des relations amoureuses, incapables de résoudre nos contradictions, incapables de faire le choix entre nos idéaux d’indépendance et nos aspirations à l’amour absolu, le prince charmant et le mariage magique ?

Perdues entre les Wonder women des années 80 et les films de Walt Disney, la révolution sexuelle et le désir d’éternité, la dictature de la performance sexuelle et l’envie de ne pas passer pour une actrice porno ? Oui, génération perdue, génération désenchantée, génération qui ne sait plus où elle va…

Alors bien sûr, Maïa fait des choix, et les assume pleinement. Mais je me demande quand même, au final, si ces choix lui conviennent totalement…

La Coureuse (lien affilié)
Maïa MAZAURETTE
Keiro, 2012

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