Les drames ne surviennent pas dans le hasard et le chaos des choses. Les erreurs de jugement participent d’une grande organisation souterraine qui se répand en racines et radicelles vivaces sous vos pieds, lesquelles attendent leur heure, patiemment, muettement, creusant leurs chemins multiples et fertiles, endurantes pourritures, jusqu’au moment où elles sortent de terre, explosent au grand jour et vous enserrent les chevilles pour vous soustraire à la lumière et vous emporter dans leur obscurité.
Ce dernier roman de Véronique Ovaldé était l’un des titres de la Rentrée Littéraire que je voulais absolument lire.
A 16 ans, Maria Cristina a fui Lapérouse, sa famille de toqués et un drame lourd à porter pour s’installer en Californie. Là, elle entretient une relation étrange avec Rafael Claramunt, écrivain don juan prétendument nobélisable et qui fut à la fois son amant et son mentor : grâce à lui, elle a publié le roman où elle réglait ses compte avec sa famille et notamment sa mère, bigote cintrée et étouffante.
Mais un jour, sa mère l’appelle, lui demandant (lui ordonnant) de venir à Lapérouse chercher le petit Peeleete, le fils de sa sœur.
Le roman s’ouvre sur ce coup de fil, mais il n’en est presque pas le sujet essentiel, même s’il va pourtant bouleverser la vie de Maria Cristina, qui avait cru jusque-là pouvoir échapper à sa famille. Car là est bien, comme souvent, l’enjeu du roman : peut-on se construire une nouvelle vie loin de son passé ?
La plus grande partie du roman se constitue donc d’une analepse : l’enfance de Maria Cristina, étouffante, dans une ville mortifère, entre une mère givrée, un père aimant mais peu démonstratif et n’osant pas s’opposer à sa femme, et une sœur jalouse ; et puis sa bourse qui lui permet de s’installer en Californie, la rencontre avec Claramunt, l’écriture de son roman.
Encore une fois, Véronique Ovaldé prouve qu’elle sait donner le jour à des univers bien particuliers, et y faire pénétrer son lecteur. L’écriture est lumineuse, le choix narratif plutôt audacieux et sert à merveille le vrai talent de conteuse de l’auteure.
C’est, à nouveau, un roman de femmes, et les personnages qu’elle crée ont une véritable épaisseur, notamment Maria Cristina, dont le but est de s’arracher à la fatalité familiale, que ce soit par une fuite géographique ou par une entreprise littéraire, à la fois destructrice et reconstructrice, qui montre aussi la porosité de l’écrivain aux autres vies que la sienne.
J’aime de toute façon toujours beaucoup les histoires d’écrivains, et celle-ci m’a particulièrement plu. Le roman est émaillé de réflexions profondes, merveilleuses, et c’est un vrai bonheur de lecture !
La Grâce des brigands (lien affilié)
Véronique OVALDÉ
L’Olivier, 2013









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