L’amour attend d’être trahi, peu importe lequel de vous deux est coupable, ensuite c’est le chamboulement, et le vide. Tant pis pour l’équanimité. Le type au journal intime le sait. Mais je ne veux pas de leurs illusions. Je ne veux pas écrire des chansons sur leurs illusions, ou leurs déceptions. Une chanson sur le bonheur est toujours une chanson sur la déception en devenir. Plus le bonheur est grand, plus j’entends les gens pleurer. Je ne veux pas écrire sur eux ni les imaginer.
Un tel titre, aussi catégorique, ne pouvait que m’intriguer, et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas résisté à ce roman lors du salon du livre.
La narratrice, Beth, est bénévole au centre Dasgupta, un lieu de retraite spirituelle où est enseigné le bouddhisme et où les règles sont strictes : pas de sexe, pas de paroles ou de chants. Même écrire est interdit. Mais la découverte du journal intime d’un des étudiants va la pousser elle-même à écrire, et à remettre en marche les moulins à vent de son esprit.
Tout le roman, dont l’action se déroule pendant les dix jours que dure la retraite et se trouve de fait rythmé par les rituels, est centré sur le dilemme de Beth : la vie, ou l’absence de vie.
Car, de fait, c’est bien la vie qui est interdite au centre Dasgupta : plus que le sexe, ce sont les relations entre les gens qui sont interdites. De même que tant d’autres choses qui font de la vie ce qu’elle est.
Là, on recherche le bonheur par l’ataraxie, l’absence d’émotions. Il faut « tuer les pensées » par la méditation. C’est, évidemment, un moyen commode, surtout pour Beth qui est là depuis de longues semaines, de ne pas se confronter au monde, de s’enfermer dans une bulle protectrice. Mais on ne résout pas un problème en supprimant son énoncé, et un jour ou l’autre, le monde, que l’on avait tant voulu fuir, resurgit.
Dans le roman, il le fait sous la forme d’un journal intime trouvé par hasard par Beth (encore que le hasard y soit sans doute pour peu de choses : plutôt une volonté inconsciente) et dont l’auteur reste longtemps mystérieux.
Et là, tout se remet en marche, les démons du passé de Beth refont surface et petit à petit le lecteur reconstitue le puzzle de ce qui a conduit la jeune femme à vouloir s’enfermer dans le centre, alors qu’elle plonge en elle-même pour affronter les pensées qu’elle a trop longtemps enfouies dans une sorte de déni mortifère. Et se met à transgresser les règles, par désir qu’on lui impose ce qu’elle n’est pas capable de s’imposer elle-même : prendre la porte de sortie.
Très malin, le roman constitue donc un itinéraire spirituel et personnel, où s’affrontent le désir de se protéger du monde et la nécessité d’accepter de revenir à ce monde, quitte à souffrir, mais au moins pour être vivant.
Tout ne se passe pas sans peine et douleur dans le flux obsessionnel de la conscience de Beth, et c’est là que le roman se montre particulièrement profond, avisé, analysant avec sensibilité la nature humaine, tout en étant aussi cru concernant le corps et ses fonctions naturelles : ce qui fait de l’humain l’humain.
Mais de sexe, finalement, il n’est pas tant question que ça, ou plutôt, s’il est l’enjeu essentiel, c’est parce qu’il est le signe de la confrontation au monde, il est le media par lequel nous avons accès aux autres.
Bref, un roman brillant, profond, qui pose beaucoup de questions et nous invite à réfléchir…
No Sex (lien affilié)
Tim PARKS
Actes Sud, 2014
Si je n’avais pas autant à lire, je me serai plongée dans ce livre dont l’histoire me parle bien. Petite question: as-tu lu Spirales de Tatiana Rosnay?
J’aimeJ’aime
Je ne sais plus où j’ai lu un billet plus mitigé…bref, je vais attendre.
J’aimeJ’aime
Ah ? Pas vu !
J’aimeJ’aime
Moi aussi j’avais lu un billet plus que mitigé qui m’avait fait reculer.
J’aimeJ’aime
Je n’en ai pas vu, moi !
J’aimeJ’aime
Plus profond que ne laisse supposer ce titre, qui a au moins l’avantage d’attiser notre curiosité.
J’aimeJ’aime
Oui, c’est vraiment un roman complexe
J’aimeJ’aime
Ta chronique me laisse supposer un livre intéressant mais tout de même assez complexe. Je le note dans la liste » si j’ai le temps et si je tombe dessus »
J’aimeJ’aime
C’est complexe parce que c’est du flux de conscience, mais passionnant
J’aimeJ’aime
Tu en parles très bien me je suis quand même très moyennement tenté.
J’aimeJ’aime
On ne peut pas toujours être tenté
J’aimeJ’aime
Curieux, à priori, j’aurais pas dit que ce titre renfermait ce genre de livre. Je note.
J’aimeJ’aime
Oui, le titre choisi pour la vf est bizarre, mais le titre vo, « la serveuse » était pire
J’aimeJ’aime
Intéressant, vraiment … le sujet m »interpelle, forcément.
J’aimeJ’aime
C’est un sujet passionnant
J’aimeJ’aime
Ça me dit bien tout ça, alors que le titre m’aurait éloignée d’office !
J’aimeJ’aime
Oui, le titre n’est pas représentatif du roman !
J’aimeJ’aime