Crucifié encore une fois, son corps était secoué d’irrépressibles sanglots. Elle aurait voulu savoir pourquoi lorsqu’on est malheureux le corps se répand en grandes eaux. Pourquoi ça ne pouvait pas s’arrêter et pourquoi finalement ça soulageait de pleurer comme ça. Mais elle aurait surtout voulu savoir pourquoi elle était toujours aussi malheureuse. Pourquoi rien n’allait jamais dans sa vie et surtout pourquoi, depuis toujours, l’amour l’avait autant blessée. C’était un sentiment tellement magnifique, l’amour. Selon elle, la seule chose au monde qui valait la peine de vivre. La seule chose aussi qui valait la peine de mourir. Elle ne voulait pas mourir. Aussi désespérée soit-elle, du fond du gouffre d’où elle criait sa douleur, elle voulait encore croire qu’il y avait une lueur d’espoir.
Le corps aimant devenait corps pleurant.
Pleurer est l’activité normale du corps aimant.
Son corps pleurait, donc, sans fin. Se vidait comme un trop plein. Trop plein de larmes, trop plein de souffrance, trop plein de douleurs et de chagrins. Ses yeux saignaient de la blessure béante qu’elle avait au cœur. Ce cœur qu’elle avait protégé, enfermé, claquemuré depuis tant de mois pour qu’il ne risque plus rien. Quitte à se sentir déjà morte un peu. Ce cœur, elle l’avait entouré d’une muraille qu’elle croyait imprenable. Et pourtant. Il avait suffi d’une minute, d’une seule seconde d’inattention pour qu’Il s’en empare et le transperce dans un seul mouvement. Une seconde qui avait une allure d’éternité. Une seconde itérative. C’était toujours la même histoire. Elle aimait. Lui, non. Papillon léger et aérien, il faisait mal sans le faire exprès. Il était là et la seconde d’après il avait disparu.
Son corps pleurait des larmes salées et amères et c’était comme si elle allait en mourir étouffée. Convulsive et assommée. Là, assise par terre au milieu des décombres de ce qui était sa vie. Il n’y avait plus rien à espérer. Et pourtant. Cela devrait bien s’arrêter un jour. Un jour il n’y aurait plus de larmes, ni de soupirs non plus, ni rien d’ailleurs.
Le corps pleurant est un corps vivant. Mais pour combien de temps encore ?
Pleurer, dit-elle. Aimer encore. Ecrire, dit-il.
Alors le corps pleurant devient corps écrivant. Les larmes deviennent encre, et le réel disparaît…
(oui, je sais, ce texte ne respire pas la joie de vivre, mais n’a rien à voir avec la situation actuelle en fait, contrairement à ce qu’on pourrait croire : c’est un passage que j’ai supprimé de mon roman, donc écrit il y a 3 ans environs… mais enfin voilà quoi…)
(édit. de 2024 : et finalement, il s’est parfaitement intégré dans Tout écrivain doit avoir le cœur brisé)









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