Entretien avec… Syrano

L’autre jour, je vous parlais de la jolie découverte que fut pour moi La Forêt des brumesComme son auteur, Sylvain Adeline alias Syrano vit à Orléans (pour tout dire à 500m de chez moi), j’en ai profité pour le rencontrer et lui poser quelques questions.

Ton pseudonyme, Syrano, est une référence à Cyrano de Bergerac : le Cyrano historique ou celui de Rostand ? Pourquoi ce choix ?

C’est en effet un hommage au personnage de Rostand dont j’aime le panache. C’est une espèce d’anti-héros, hyper-moderne et actuel, qui se bat avec les mots, et je trouvais intéressant le parallèle avec l’univers du Hip-Hop.

Et puis, c’est aussi lié à une anecdote personnelle : je pratique beaucoup les arts martiaux, et à une époque je m’étais cassé le nez et mes amis me surnommaient Cyrano.

En fait, la pièce de Rostand est importante dans mon parcours : j’avais eu un devoir dessus au collège, alors que j’étais absolument fâché avec la littérature classique, je n’accrochais pas du tout. Et puis j’ai renoué avec ce livre et les images qu’il provoquait, je le voyais comme un film. Il faut dire que mon parcours me coupait de ce qui était culturel : je viens d’un milieu où on ne me proposait pas d’activités culturelles et je ne me suis réellement mis à lire qu’après le lycée, plutôt des essais comme Tristes Tropiques par exemple, ou du théâtre, parce que c’est plus rythmé, ça bouge, c’est vivant, et moi ce qui m’intéresse, c’est l’anthropologie, l’humain, et c’est pour cela que j’ai beaucoup voyagé.

Tu viens d’en parler un peu, mais est-ce que tu pourrais nous raconter ton parcours ? Comment en es-tu arrivé là où tu en es aujourd’hui ?

Depuis tout petit, je dessine, je compose, j’écris, en autodidacte : très tôt je me suis donc dit « c’est ça que je ferai ». J’ai eu quelques lubies passagères, comme journaliste ou anthropologue, mais ce qui m’intéressait toujours, c’était la question de l’humain. Plus tard, j’ai j’ai gagné un concours de BD à Angoulême, ce qui m’a donné la possibilité d’aller dans une école mais comme je n’avais pas les moyens, j’ai fait un an d’histoire des arts, qui m’a permis d’avoir un certain bagage.

Et puis j’ai commencé à donner des concerts, du rap, j’étais très influencé par IAM car j’ai aussi grandi dans une cité et que leurs textes me parlent. Je m’y suis plongé corps et âme pendant quelques années, en rajoutant des instruments : mon but c’était d’ouvrir et de raconter des histoires à travers mes chansons.

Ce n’était du coup ni vraiment du rap, ce que me faisaient bien comprendre les rappeurs, ni vraiment de la chanson, ce que me faisaient bien comprendre les chanteurs, mais quelque chose d’hybride, qui m’a néanmoins permis d’être une des découvertes du printemps de Bourges. J’ai sorti 6 albums, tout en ayant l’envie d’écrire de manière plus longue, mais je n’assumais pas, j’étais complexé, car c’était différent de la chanson : j’avais le sentiment de me mettre en danger, comme si ça m’était interdit.

Et puis j’ai voyagé, et le magazine FrancoFans m’a commandé une série d’articles, une sorte de carnet de voyage dont l’angle était la musique, et je me suis rendu compte finalement que c’était facile. J’ai développé les textes et j’ai sorti un livre en même temps que l’album.

Dans La Forêt des brumes, tu allies texte, musique et illustration. Comment as-tu travaillé ? Simultanément ou un élément après l’autre ?

En réalité, ce projet a dix ans. Il s’agissait au départ d’un scénario de BD, tout était prêt mais avec les tournées, je n’ai jamais trouvé le temps de m’y mettre. Et puis j’ai sorti un livre-disque chez Actes Sud Junior (M. Et Mme Neige, NDLR), qui m’a permis de participer à plusieurs salons, notamment un sur l’île d’Aix, qui a débouché sur une résidence : je devais faire 2 heures d’ateliers par jour, et le reste du temps j’étais libre, mais avec l’obligation de commencer à produire quelque chose.

J’avais tout plein de projets, comme des fables en alexandrins, mais je suis par hasard retombé sur ce projet et j’ai eu le déclic : je devais le mettre en prose.

Depuis le temps, le projet avait mûri, beaucoup d’images me venaient en plus des croquis et j’ai produit le premier jet en une semaine. La musique est venue après, même si pendant l’écriture tout se déroulait sous mes yeux comme un film d’animation, avec une ambiance très précise. Je voulais donner une véritable profondeur aux personnages, de l’émotion, une dimension supplémentaire par rapport à l’écrit.

Justement, en parlant de film d’animation, on pense évidemment à Tim Burton…

Ce que j’aime dans l’univers de Burton, c’est le regard de l’enfant, qui dénonce l’illogisme de l’adulte. Je suis fasciné par son univers et tous ceux qui l’ont inspiré, avec ce côté macabre mais pas si sombre que ça.

De manière générale, j’ai une fascination pour le Londres victorien avec Jack l’éventreur, Hugo, la littérature du XIXe siècle en général et l’esthétique Steam punk, Jules Verne, le romantisme marqué par une mélancolie latente que je trouve à la fois triste et pleine d’espoir. Pour revenir à Burton, la musique a beaucoup d’importance dans ses films…

Comment tu définirais ton univers, tes influences ?

Je ne sais pas. A cause des concerts, je suis obligé de mettre des étiquettes sur mon travail : chanson à texte avec une pointe d’urbanité, de Hip-Hop. Mais c’est plus compliqué. L’univers, c’est une part d’enfance. Tout le monde est capable de créer. Je le vois en atelier d’écriture : c’est hallucinant ce que peut faire un jeune enfant, mais après on perd un peu ça, l’école tue cette créativité chez beaucoup.

Parle-nous de ta structure, LDDZ.

Il s’agit d’une association montée pour produire et éditer ce que je fais, afin de ne pas tout sortir à compte d’auteur. Mais comme c’est une structure fragile économiquement, je ne veux pas prendre le risque de m’en servir pour produire quelqu’un d’autre…

Tes projets ?

Toujours plein. Un deuxième spectacle jeune public, dont le disque est quasi terminé. Un autre album tout public, qui devrait sortir fin 2015 et pour lequel je cherche un manager. Et puis j’ai recommencé un livre car j’ai pris goût à l’écriture. Je suis un hyperactif.

J’ai aussi un projet de BD, mais je ne m’y mettrai que si j’arrive à la signer quelque part avant : une fable pacifiste et un peu absurde anti-manga, l’histoire d’un groupe d’élus qui se battent avec des oreillers, des traversins, des édredons… ils sont constamment fatigués car le monde est menacé par le fléau des chatouilles. Le concept, original et un peu absurde, vise à montrer qu’on ne se bat pas avec des armes !

Merci Sylvain !

Pour en savoir plus : Facebook, Twitter

 

6 commentaires

  1. Asphodèle dit :

    Jolie rencontre de proximité ! 😉

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  2. Criteïne dit :

    J’ai découvert Syrano au détour d’un mini festival, j’ai accroché immédiatement à sa musique et ses textes et me suis offert son premier album, puis plus tard un autre album. C’est une bonne surprise de le retrouver sur ton blog ! 🙂

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    1. irreguliere dit :

      En plus, c’est vraiment quelqu’un de très sympathique

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