Toi, c’est toi, Dorrit. Celle qui écrit. Toi à tous les âges, et même avant d’avoir un âge, avant d’écrire, avant d’être un soi. Celle qui écrit et donc aussi, parfois, on espère, celui/celle qui lit.
Un personnage.
C’est l’histoire d’une tentation irrépressible. Nancy Huston à la Grande Librairie, parlant d’un texte que j’avais vaguement repéré, mais sans plus. Des mots qui me frappent, des mots qui font mouche, des mots qui me parlent, tout simplement. Et l’envie, tout de suite, de m’y plonger, ce que j’ai fait. Sitôt la télévision éteinte, je me suis emparée de mon i.Pad, j’ai téléchargé le livre, et je m’y suis ensevelie.
Comment résumer ce qui n’est ni un roman, ni une autobiographie, mais un récit dans lequel Nancy Huston cherche à savoir comment on devient écrivain, ou, plutôt, comment elle est devenue écrivain ? C’est l’histoire d’une grossesse, de la conception à la naissance. La narratrice s’adresse au foetus, qu’elle appelle Dorrit, et retrace les expériences qui feront d’elle un écrivain, tout en émaillant son texte de réflexions plus vastes.
Dit comme ça, cela peut paraître bizarre, et de fait, ça l’est un peu : le procédé de la deuxième personne n’a pas été sans me rappeler Chronique d’hiver de Paul Auster, et pourtant, c’est totalement différent, bien que tout aussi intéressant.
Nancy Huston se glisse dans les silences de son histoire personnelle, ce qu’elle ne sait pas forcément, émet des hypothèses et notamment celle, fondatrice, qu’elle est une survivante car sa mère aurait au départ essayé de se débarrasser d’elle. C’est peut-être vrai, peut-être non, mais cette idée ancrée en elle ne peut qu’avoir des répercussions sur toutes sa vie, et peser sur son œuvre : ses personnages féminins ont, bien souvent, un rapport très trouble à la maternité.
Du coup, c’est fascinant car alternent ici le personnel et l’universel, l’ensemble paraissant parfois comme un prolongement de Reflets dans un oeil d’homme avec des réflexions sur le rôle des femmes, l’avortement, le besoin compulsif de séduire et de se trouver dans le regard de l’autre… mais aussi, bien sûr, l’importance vitale de la littérature et des mot, et du roman familial qui façonne ce que nous sommes.
Bref, cette lecture fut pour moi une belle expérience, enrichissante et méditative. Je le répète, c’est un texte particulier, et il ne séduira certainement pas tout le monde, mais si vous aimez Nancy Huston et/ou que la question vous intéresse, il est sans doute pour vous !
Bad Girl – Classes de littérature (lien affilié)
Nancy HUSTON
Actes Sud, 2014









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