Dès qu’ils la voient, les hommes sentent qu’il serait facile de profiter d’elle, de couper à la racine la belle plante grasse et fragile. Sa peau douce et laiteuse, ses cheveux blond cendré, tout en elle inspire un désir de domination. La fille réveille le tyran qui sommeille, donne l’impression à chacun qu’il pourrait la prendre. Elle est un trophée magnifique, un rêve, un grand chiffon de poupée qui ne sait pas dire non.
J’avais été très touchée par le dernier roman de Camille de Peretti, et j’avais donc très logiquement envie de découvrir celui-ci qui, quoique dans un genre tout à fait différent, explore la question de la féminité.
Destin tragique d’une étoile filante, femme-enfant, Blonde à forte poitrine commence dans l’Amérique profonde, au Texas : Vicky, âgée de 17 ans, tombe enceinte de son petit ami. Mise à la porte par sa mère, elle ne tarde pas à être également rejetée par le père de son enfant, et à se réfugier dans un club de strip-tease, où sa beauté lui permet de gagner de quoi subvenir à ses besoins, et de se faire remarquer par un (très) vieux milliardaire qui tombe amoureux d’elle.
Inspiré de la vie d’Anna Nicole Smith, le roman pourtant dépasse largement le cadre de la biographie : ce qui est en jeu ici, c’est l’analyse des mécanismes de la célébrité et de la manière dont elle peut broyer un être fragile.
Femme-enfant en recherche d’affection masculine, presque inconsciente du désir qu’elle suscite, Vicky recherche dans la célébrité l’illusion d’être aimée.
Or elle ne l’est pas, et se retrouve victime de l’hypocrisie puritaine des Américains vis-à-vis du sexe : ils la méprisent parce qu’elle leur montre ce qu’ils sont profondément, jette sous leurs yeux cette ambivalence malsaine qui fait qu’à la fois elle les fascine et les dégoûte par sa féminité outrageuse et presque monstrueuse, symbolisée par cette poitrine surnaturelle qu’elle passe son temps à faire refaire.
Femme-objet, femme-enfant, mère et putain, elle est finalement, plus qu’une personne, le symptôme d’une société malade de ses névroses. La narration, assez troublante, est très distanciée, et évite du même coup le pathos ; pourtant, on ne eut s’empêcher de ressentir beaucoup de peine pour cet être dont la fragilité et la naïveté sautent aux yeux, et qui avait juste désespérément besoin d’être aimé, fût-ce par un vieux monsieur qui lui a peut-être apporté quelques moments de joie, et dont elle a peut-être éclairé les dernières années. En dépit de la morale.
Un roman fort, qui se lit presque d’une traite, qui pose beaucoup de questions…
Blonde à forte poitrine (lien affilié)
Camille de PERETTI
Kero, 2016









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