Chaque fois que je m’empare d’un personnage, il m’engage entièrement, au point que le livre que je lui consacre devient aussi intime que si je parlais de moi. Le travail sur la vie d’un autre, comme la lecture, éclaire de façon édifiante sur soi-même.
Cela fait bien longtemps que je n’avais pas lu Christine Orban, au moins depuis la création de ce blog puisque je n’y ai jamais parlé d’elle. Or, à une époque, je l’ai pas mal lue, attendu qu’elle a le bon goût, comme moi, de s’intéresser aux parures féminines, et que ce qu’elle a écrit sur Emanuel Ungaro m’a beaucoup servi pour mes travaux de maîtrise.
J’étais donc ravie de la retrouver, avec ce texte sur Marie-Antoinette, notre fascinante reine décapitée.
Ce texte, génériquement classé sous la catégorie de « roman », n’est pas une biographie, mais une analyse, teintée de psychanalyse, de la dernière reine de l’ancien régime et de tous les mythes qui l’entourent — et, partant, une analyse de l’auteure elle-même.
Le procédé peut surprendre, par son tour plus analytique que narratif : à partir d’une documentation précise (et notamment le Marie-Antoinette de Zweig), Christine Orban ne cherche pas à retracer la chronologie des événements, elle n’est pas historienne. Ce qui l’intéresse, c’est l’âme de Marie-Antoinette, les raisons de sa conduite mais aussi de son image sulfureuse.
L’histoire l’a mal jugée, l’auteure montre qu’elle ne le méritait pas : gamine de 14 ans, sans doute immature jusqu’à sa condamnation à mort où elle se révèle, mais surtout étouffée par la pesanteur de Versailles et l’impossibilité d’être soi et d’être seule, débordante du besoin d’être aimée, sans doute pas faite pour tous ces tralalas, Marie-Antoinette n’est finalement que l’héroïne d’un conte de fée qui a mal tourné, et dont les éléments peuvent s’analyser à l’aune des travaux de Bettelheim : le sang, les parures, le rapport à la mère, la sexualité — pour finir en bouc émissaire.
Chemin faisant, Christine Orban s’interroge elle-même, et l’enquête a autant d’importance dans le roman que l’objet de cette enquête. De fait, on ne choisit pas par hasard un sujet d’écriture, les artistes sont des névrosés qui se guérissent en travaillant. Si je ne pouvais plus rien pour elle, que pouvait-elle pour moi ? Quel intérêt personnel ou collectif se cachait derrière mon attirance pour Marie-Antoinette ?
Un roman fascinant sur une figure fascinante, victime expiatoire d’une époque violente. On la découvre ici sous un jour nouveau, plus complexe que dans la version que j’ai toujours en tête, celle de Sofia Coppola. C’est profond, bien écrit, et cela pose beaucoup de questions sur l’histoire et l’image qu’on en a…
Charmer, s’égarer et mourir (lien affilié)
Christine ORBAN
Albin Michel, 2016









Un petit mot ?