Requiem, d’Antonio Tabucchi

Non, répondis-je, le problème n’est pas là, le problème est que je ne sais pas pourquoi je me trouve ici, on dirait une hallucination, je ne sais pas bien comment vous expliquer, je ne sais même pas très bien ce que je dis, figurez-vous que j’étais à Azeitão, vous connaissez Azeitão ? j’étais chez des amis, dans la ferme, sous un grand arbre, un mûrier, je crois ; j’étais étendu sur une chaise longue, je lisais un livre que j’aime beaucoup et voilà que je me retrouve ici — ah, j’y suis, c’était Le Livre de l’Intranquillité, et vous, vous êtes le Boiteux de la Loterie qui cassait inutilement les pieds à Bernardo Soares, c’est là que je vous ai rencontré, dans ce livre que j’étais en train de lire sous un mûrier, dans une ferme à Azeitão.

Je poursuis mes lisboètes avec ce roman d’Antonio Tabucchi, le plus Portugais des auteurs italien — roman d’ailleurs écrit en portugais, langue qui s’est imposée à lui lors de l’écriture.

Lisbonne, le dernier dimanche de juillet. La ville est presque déserte, la chaleur accablante, et le narrateur erre, ne sachant pas bien comment il est arrivé là alors qu’il lisait Le Livre de l’Intranquillité sous un mûrier, à la campagne, à Azeitão. Il a un mystérieux rendez-vous le soir, et il passe la journée à errer dans la capitale, faisant d’étranges rencontres…

Rêve, hallucination, Requiem est un étrange roman peuplé de fantômes où la poésie affleure à chaque page. Si l’ombre de Pessoa plane sur l’ensemble, il n’est pourtant jamais nommé, sinon par la mention du Livre de l’Intranquillité et de son hétéronyme Bernardo Soares ; et pourtant il est bien là, dans cette inquiétante étrangeté onirique, lui qui ne concevait la vie que par le rêve.

Difficile, du coup, de parler de ce roman, complètement insaisissable : Tabucchi nous entraîne avec lui dans sa rêverie, dans cette errance à la rencontre des fantômes de son passé et des chimères de son imagination, on le suit dans le jardin de Santos, dans le cimetière des Plaisirs, sur les quais… la ville se cartographie sous nos yeux, la ville réelle et la ville fantasmée se superposent, et on a d’autant plus envie d’y être.

Le roman est complété par un très intéressant texte, où Tabucchi en raconte la genèse, parle des voix et du rêve, de son père et d’Orphée, et essaie d’expliquer pourquoi ce texte s’est imposé à lui non dans sa langue natale, l’italien, mais en portugais : c’est très beau, et fascinant.

Assurément, un roman à découvrir !

Requiem
Antonio TABUCCHI
Traduit du portugais par Isabelle Pereira avec la collaboration de l’auteur
Christian Bourgois, 1993 (Gallimard, 2006)

4 réponses à « Requiem, d’Antonio Tabucchi »

  1. Avatar de Mind The Gap

    Original mais pas pour moi je crois. J’aime bien le plus portugais des auteurs italiens…

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  2. Avatar de L’année de la mort de Ricardo Reis, de José Saramago | Cultur'elle

    […] Adamastor et Camoes), et par un double effet de balancier, on se rend compte que Tabucchi, dans Requiem, fait lui aussi de nombreuses références plus ou moins évidentes à ce roman de l’errance […]

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  3. Avatar de L’année de la mort de Ricardo Reis, de José Saramago – Caroline Doudet

    […] Adamastor et Camoes), et par un double effet de balancier, on se rend compte que Tabucchi, dans Requiem, fait lui aussi de nombreuses références plus ou moins évidentes à ce roman de l’errance […]

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