La partition intérieure, de Réginald Gaillard

La partition intérieure, de Réginald Gaillard

La partition intérieure, de Réginald GaillardL’entame du récit de ces vies aurait pu être aussi celle-ci : « A un commencement, dans un village, entre le silence d’une folle et les quelques notes de musique éparpillées dans l’esprit d’un homme affolé, le tragique de nos vies s’est joué. » Mais je ne suis plus sûr de rien, si ce n’est de la richesse que m’ont apportée ceux que j’ai croisés dans ce village, et plus particulièrement Jan et Charlotte qui me furent si chers. Vivre à leurs côtés fut l’expérience d’un commencement continu avec le sentiment d’être sur une brèche vive, sur le front d’une guerre intestine, intérieure, avançant à mesure que cette ligne fuyait dans l’inconnu du précipice.

Comment résister à un roman, le premier de son auteur, à l’origine poète, qui porte un titre aussi beau ?

C’est en 1969 que Jean, le narrateur, arrive dans le village de Courlaoux, dont il vient d’être nommé curé — ce qui, pour un intellectuel parisien cultivé n’aimant que le tumulte de la ville, est une véritable punition, d’autant qu’on ne peut pas dire que ses paroissiens, dans une France profonde en voie de déchristianisation, soient spécialement accueillants. Mais il finit par s’y faire, et se lie notamment avec Charlotte, une simple d’esprit qui passe son temps dans le cimetière, et Jan, un compositeur néerlandais qui cherche dans l’isolement la grande oeuvre qui est en lui.

Avouons qu’au départ, ce roman avait tout pour me déplaire : le monde rural, un narrateur prêtre, j’aurais pu fuir. Mais j’ai eu raison de ne pas le faire, car je suis très vite tombée sous le charme, d’abord de l’écriture, éminemment poétique, et de la manière dont il interroge le monde. Bien sûr, tout l’aspect (peu marqué au demeurant) strictement « chrétien », au petit goût de Bernanos, m’est passé largement au-dessus : j’ai renié cette religion car elle ne correspond absolument pas à ma vision du monde. Mais justement : le roman va au-delà, et a quelque chose de beaucoup plus spirituel que religieux, et propose à travers le beau personnage de Charlotte une manière d’être au monde. Mais bien sûr, c’est surtout le personnage de Jan qui m’a intéressée, compositeur torturé qui cherche l’absolu et la perfection, et qui pense qu’on écrit mieux à l’abri du tumulte du monde : interrogeant la création, son rapport à la spiritualité et au monde, l’inspiration (J’écris ; je ne prie pas. Et lorsqu’on me dit que l’on peut concevoir l’écriture comme une prière, je réponds que l’écriture, musicale ou autre, est avant tout un travail concret, matériel, sur une matière, qu’elle soit langage, pierre ou son. Toute idée d’inspiration est un oripeau ridicule du romantisme) le roman prend parfois des airs de Tous les matins du monde. Mon seul regret est du coup que l’histoire de Jan n’ait pas été plus développée.

Bref, un roman qui a beaucoup de charme, plein d’humanité et de poésie, et qui mérite vraiment d’être découvert !

La Partition intérieure
Réginald GAILLARD
Editions du Rocher, 2017

1% Rentrée littéraire 2017 — 35/36
By Herisson

2 commentaires

  1. Emma dit :

    A mettre dans le carton de noël !! Merci ma belle !

    Aimé par 1 personne

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