Il traverse invisible cette enfance, sur la pointe des pieds. Indifférent autant que perdu, il subit l’école et son déferlement. Il cherche toujours un abri. C’est un solitaire habité par un vide inouï. Un vide océan qui vous noie. Pour se protéger, il se réfugie dans ses pensées. Là-bas, dans son monde, il y a la douceur des débuts. A cette époque, Charles Draper est immortel. Il déteste cette idée, de ne jamais finir. Il aimerait bien mourir un peu, pour recommencer différemment, sans cette idée d’emprisonnement, sans toute cette chair boulet, sans cette dégaine de fortune, sans cette tête d’idiot, cette plaine de solitude et encore une fois ce vide interminable aboyant au fond de son petit estomac, qui lui serre trop fort le cœur.
Laissons un peu de côté la rentrée littéraire pour ce roman qui vient de sortir en poche ; c’est le troisième de son auteur, Xavier de Moulins, que je ne connaissais jusque-là que comme journaliste, et c’est bien dommage.
Peu après qu’ils ont acheté un vieux corps de ferme et révolutionné l’organisation de leur quotidien, Charles Draper a l’impression que sa femme Mathilde s’éloigne de lui. Il se sent alors vieux, gros, peu désirable, surtout comparé au voisin. Mais est-ce bien le problème ?
Difficile de parler de ce roman sans en dire trop : reposant sur la figure de la parallipse, il met en jeu une mécanique implacable qui nous entraîne vers le dénouement sans qu’on ne puisse le voir venir, ce qui réoriente toute la perception des choses.
Plus que le simple mécanisme de la jalousie, du délire interprétatif d’un homme qui manque cruellement de confiance en lui et est désespérément amoureux d’une femme qui semble l’aimer moins, le roman nous montre le délitement d’un couple, qui peine à surmonter un changement radical de vie — quitter Paris, et s’installer loin de la ville.
Je n’en dirai pas plus, parce que ce serait dommage de divulgâcher. Mais lisez-le : une belle plume et une grande maîtrise narrative, ça ne se refuse pas !
Charles Draper (lien affilié)
Xavier De MOULINS
Lattès, 2016 (Livre de poche, 2018)









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