Hippie, de Paulo Coelho : le chemin de l’amour

Elle aurait voulu être un vase où le Grand Amour viendrait déposer ses fleurs et ses fruits, et où l’eau vive les conserverait aussi frais que s’ils venaient d’être cueillis, pour être offert à celui qui aurait le courage, oui, c’était le mot juste, le courage, de les récolter. Mais personne ne venait jamais, ou plutôt ceux qui venaient repartaient terrifiés : elle n’était pas un réceptacle, mais une tempête pleine d’éclairs, de vent et de tonnerre, une force de la nature impossible à dompter, qu’on pouvait à la rigueur diriger pour faire tourner les moulins, éclairer des villes ou répandre l’effroi.
Elle aurait voulu que les hommes puissent déceler la beauté en elle, mais ils ne voyaient que l’ouragan et ne tentaient même pas de s’en abriter. Ils préféraient s’enfuir en lieu sûr pour de bon. 

Bizarrement vu mes tendances, Paulo Coelho n’est pas un auteur que je lis, à part il y a quelques années le Manuel du guerrier de la lumière, dont je ne garde honnêtement aucun souvenir ; je n’ai même pas lu l’Alchimiste, son roman le plus important. Mais. L’autre jour, je suis tombée par hasard sur ce roman, et comme cela m’arrive parfois, parce qu’il avait l’air d’avoir été mis là pour moi, j’ai été prise d’une irrésistible impulsion.

Après plusieurs jours à avoir attendu, en vain, sur la place de Dam, quelqu’un qui veuille bien prendre avec elle le « Magic Bus » pour Katmandou, Karla trouve enfin un compagnon de voyage : Paulo, un jeune Brésilien.

Un roman dont je comprends parfaitement pourquoi il a été mis sur mon chemin, mais qui pourtant ne m’a pas tellement convaincue, à cause des choix narratifs que j’estime boiteux et qui, selon moi, gâchent le projet.

De manière parfaitement assumée, il s’agit d’un roman d’inspiration autobiographique, dans lequel Coelho fait le choix de la narration à la troisième personne afin, dit-il, de donner leur place à tous les personnages ; il se paye même le luxe d’adopter un point de vue omniscient, ce qui vu le contexte est un peu étrange, mais admettons, cela reste un roman et pas des mémoires.

Seulement voilà : ce qui arrive, c’est qu’au final, c’est Karla qui devient le personnage principal, et qu’elle a tellement d’épaisseur et de profondeur qu’elle efface tous les autres. Et j’ai bien vu que c’était Karla qui m’avait « appelée » depuis les pages du roman, tant je me suis reconnue en elle — une femme qui plaît beaucoup aux hommes, qui est en quête d’un idéal, mais ne l’atteint pas parce qu’elle se protège derrière un mur, et qu’aucun homme ne fait l’effort de creuser sous la surface.

Et le roman est donc son récit initiatique, comment elle va découvrir ce qu’est véritablement l’amour. Mais (attention, dans les lignes qui suivent je divulgâche la fin, mais en même temps ce n’est pas un polar) : déjà, le fait que Paulo lui ne l’aime pas remet totalement en cause la découverte et la conversion de Karla ; mais surtout, à la fin du roman, son histoire n’est pas terminée, elle est en suspens, et j’aurais voulu la suivre jusqu’au bout de son parcours, mais ce n’est pas possible, Coelho ne sachant pas ce qu’elle est devenue. Du coup, ça boite…

Et c’est dommage, car il y a beaucoup de choses très intéressantes dans ce roman, des pages très inspirantes et qui donnent matière à réflexion, sur la spiritualité, le mouvement hippie et son désir de faire renaître le monde, sur l’amour évidemment. Mais voilà, j’ai trop aimé Karla pour la laisser comme ça au milieu du chemin…

Hippie (lien affilié)
Paulo COELHO
Traduit du portugais (Brésil) par Elodie Dupau et Cécile Lombard
Flammarion, 2018 (J’ai Lu, 2019)

2 réponses à « Hippie, de Paulo Coelho : le chemin de l’amour »

  1. Avatar de Le matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier : une manière poétique d’habiter le monde – Cultur'elle

    […] Je suis souvent frustrée par les ouvrages scientifiques : pas seulement parce que j’ai l’impression que ce que nous savons est une goutte dans l’océan de ce que nous ne savons pas, mais surtout parce que les scientifiques ont souvent cette tendance qui m’agace à nier l’existence de ce qu’ils ne peuvent pas expliquer, alors même que l’histoire des découvertes scientifiques devrait les conduire à un peu plus d’humilité ; c’est ce que je reprochais récemment à la conclusion de l’essai d’André Brahic, et c’est pour cela que j’aime les essais de Didier van Cauwelaert : l’ouverture d’esprit, qui consiste à ne rien rejeter a priori (sans pour autant tout gober). Et c’est exactement cet esprit que j’ai retrouvé dans cet essai, qui date de 1972 et qui était mentionné dans Hippie de Paulo Coelho.  […]

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  2. Avatar de Le matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier : une manière poétique d’habiter le monde – Caroline Doudet

    […] Et c’est exactement cet esprit que j’ai retrouvé dans cet essai, qui date de 1960 et qui était mentionné dans Hippie de Paulo Coelho.  […]

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