Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson : la carte et le territoire

Pas n’importe quelle route : je voulais m’en aller par les chemins cachés, bordés de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. Il y avait encore une géographie de traverse pour peu qu’on lise les cartes, que l’on accepte le détour et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l’aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie.

Longtemps, je n’ai pas été attirée par ce qu’écrit Sylvain Tesson : ses histoires de grands espaces et de nature sauvage, ça ne m’intéressait pas. Et puis j’ai fait ma révolution intérieure en même temps que les « hasards » des programmes me conduisaient à étudier des extraits de Dans les forêts de Sibérie qui résonnaient fort et me donnaient envie de revoir mes a priori (qui n’en étaient pas complètement d’ailleurs : je pense qu’à une certaine époque, je n’aurais réellement pas aimé). Ce n’est pourtant pas ce dernier qui s’est présenté à moi, mais Sur les chemins noirs, dans lequel il est également question de grands espaces isolés, mais beaucoup moins exotiques.

Après le décès de sa mère et la chute d’un toit qui a bien failli lui coûter la vie et l’a laissé en mille morceaux, Sylvain Tesson, pour se reconstruire dans tous les sens du terme, décide de cheminer à pieds à travers la France, du 24 août au 8 novembre 2015.

Un récit envoûtant, qui nous emmène dans la France de l’hyper-ruralité, celle des chemins de traverse où le temps et l’espace n’ont pas la même valeur qu’ailleurs : Les Cévennes, l’Auvergne, le Limousin, le Berry…

Un pas de côté vers les espaces vastes qui obligent à une certaine lenteur, tout comme le choix du déplacement pédestre : cheminant tantôt seul, le plus souvent, tantôt accompagné, passant à l’écart des villes et des territoires aménagés, Tesson réfléchit, pas tant à lui-même qu’au monde, qui va trop vite, et au rapport de l’homme à l’espace (on sent le géographe) — certains passages sont d’ailleurs un petit peu réactionnaires, il faut bien l’admettre. Mais ce qui en ressort est extrêmement intéressant, de l’ordre de la catharsis.

Sur les chemins noirs (lien affilié)
Sylvain TESSON
Gallimard, 2016 (Folio, 2019)

 

10 réponses à « Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson : la carte et le territoire »

  1. Avatar de lorouge

    Dans ma Lal, un auteur que j’ai envie de lire depuis un moment, dire que je n’ai même pas encore lu Dans les forêts de Sibérie 😊😉

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      ben moi non plus, du coup !

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  2. Avatar de La plume et la page

    J’ai adoré ce livre. Je suis rarement déçue par Tesson.

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  3. Avatar de coupsdecoeurgeraldine

    Un jour oui, mais j’ai d’abord un autre livre de Sylvain Tesson dans ma PAL !

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      Il faut commencer par là, en effet !

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  4. […] Sur les chemins noirs (sortie poche) chez l’Irrégulière, […]

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  5. Avatar de L’invention du voyage (collectif) : habiter voyageusement le monde – Cultur'elle

    […] répondent soit sous forme d’entretien, soit sous forme de texte réflexif. Gilles Lapouge, Sylvain Tesson, Cédric Gras, Isabelle Autissier, Paolo Rumiz et Tristan Savin nous parlent de la beauté de […]

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  6. Avatar de Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson : Je, ici, maintenant – Cultur'elle

    […] pas de côté par rapport au monde et à la vie quotidienne, dans l’immobilité et non dans le mouvement : ce qui est en jeu, ici, c’est d’apprendre la lenteur, la contemplation, qui est aussi […]

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  7. […] Sur les chemins noirs (sortie poche) chez l’Irrégulière, […]

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  8. Avatar de Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson : Je, ici, maintenant – Caroline Doudet

    […] pas de côté par rapport au monde et à la vie quotidienne, dans l’immobilité et non dans le mouvement : ce qui est en jeu, ici, c’est d’apprendre la lenteur, la contemplation, qui est aussi […]

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