Chez soi, de Perla Serfaty-Garzon : les territoires de l’intimité

Chez soi, de Perla Serfaty-Garzon : les territoires de l'intimité

Quoi de plus familier que le chez-soi ? Chacun ne sait-il pas tout sur sa maison, sa façon d’habiter, ses goûts, ses espoirs et ses déceptions en matière d’aménagement et d’ameublement ? Ne sait-il pas que la perte du chez-soi est dramatique ? En somme, chacun ne sait-il pas ce qu’habiter veut dire ? Et, partant, pourquoi s’y intéresser, y aller voir de près ? Familiers, le chez-soi et l’habiter semblent relever de l’évidence.
Mais voilà, ce familier fait beaucoup parler de lui, semble être un sujet inépuisable.

Comme on le voit, je suis toujours dans ma thématique de la maison, et je voulais absolument lire cet essai, qui commence à dater (2003) mais est une référence concernant la réflexion sur l’intimité et la notion d’habiter.

Dans cet essai, Perla Serfaty-Garzon part du constat que s’il n’y a en apparence rien de plus simple que le « chez soi« , il n’y a pourtant rien de plus complexe. Après s’être interrogée sur l’élaboration sociale de la notion d’intimité au cours de l’histoire, elle interroge la notion de la demeure et de l’habiter, explorant le vocabulaire, l’imaginaire qui y est lié, le motif du nid et de la coquille, convoquant pour cela les recherches de Bachelard. Dans une troisième partie, elle s’intéresse à la manière dont on s’approprie la demeure, comment elle devient support de l’expression de soi, la temporalité et les rituels, avant d’étudier les meubles et les objets qui nous entourent, qui permettent de prendre notre place et d’exprimer qui on est. La cinquième partie est consacrer aux limites et aux portes de la maison, et à l’hospitalité : fonder, fermer, ouvrir la maison. Enfin, la dernière partie envisage les épreuves de l’habiter : l’effraction, le déménagement, et la perte. En conclusion, elle interroge brièvement les figures contemporaines de l’habiter : l’union libre, l’immigration et l’exil, la vieillesse, l’habitat multiple.

C’est un essai universitaire, et il est donc, parfois, un peu complexe. Mais passionnant dans son étude de toutes les forces personnelles, sociales etc. à l’œuvre dans la manière dont nous habitons — ou n’habitons pas : si le sujet m’intéresse, c’est qu’il me permet aussi d’interroger ma peur (avec laquelle je commence à pouvoir négocier) de me fixer quelque part, et mon incapacité à me projeter dans un achat immobilier qui me fait l’effet d’un emprisonnement à vie (oui, je sais, on peut revendre un bien qu’on a acheté, mais il n’empêche). Disons que je suis un oiseau qui vole de branche en branche et construit son nid là où il est. Mais j’aurais dû mettre au passé : de plus en plus me titille l’envie d’un point d’ancrage, un vrai « chez moi » en tout cas d’un point de vue symbolique. Mais on n’y est pas.

Bref : cet essai est passionnant sur les questions de l’intimité, du refuge, de la sécurité que nous recherchons dans nos habitations, et qui sont au cœur des problématiques actuelles où il vaut mieux être bien chez soi, vu le temps que nous sommes obligés d’y passer.

Chez soi. Les territoires de l’intimité
Perla SERFATY-GARZON
Armand Colin, 2003

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