L’empreinte de toute chose, d’Elizabeth Gilbert : la transcendance

Rien de tout cela n’avait de sens pour Alma. Une bonne partie l’irritait. Cela ne lui donnait sûrement pas envie de cesser de s’alimenter, d’étudier, de parler ou de renoncer aux plaisirs du corps pour ne vivre que de soleil et de pluie. Au contraire, les écrits de Boehme lui donnaient envie de retrouver son microscope, ses mousses, les conforts du palpable et du concret. Pourquoi le monde matériel n’était-il pas suffisant pour des gens comme Jacob Bohme ? N’était-ce pas assez merveilleux, ce que l’on pouvait voir et toucher en sachant que c’était réel ?

Après avoir lu plusieurs fois Comme par magie et Mange, prie, aime, j’ai naturellement eu envie de découvrir Elizabeth Gilbert dans le registre de la fiction, et si j’ai choisi ce roman, au titre magnifique, c’est que l’autrice lui consacre quelques pages dans Comme par magie, pages qui m’ont laissée songeuse et amusée parce que je fonctionne exactement pareil.

Elle raconte comment, ayant emménagé dans une petite maison, elle s’est mise en tête de faire du jardinage, activité qui ne l’avait jusqu’alors jamais intéressée. Un petit caprice modeste, qu’elle choisit de suivre, et elle se met donc à planter des fleurs, puis à avoir envie de tout savoir sur ses fleurs, et notamment d’où elles venaient.

Elle enquête sur le passé et l’histoire de ses fleurs, ce qui la conduit à un tour du monde botanique, et au bout de trois ans de voyages et de recherches, elle s’assoit à son bureau, prête à écrire ce roman qu’elle n’avait pas vu venir. C’est ce qu’elle appelle de la Grande Magie, Big Magic.

Et il est difficile de résumer ce roman foisonnant de plus de 800 pages. Pour faire bref, il nous raconte l’histoire d’Alma Whittaker, née avec le XIXe siècle dans une très riche famille de Philadelphie, et dont le père, après avoir voyagé sur toute la planète, a fait fortune dans le commerce des plantes. Elle-même, depuis toute petite, apprend, et comme on la laisse faire, elle devient une éminente botaniste, qui fera à la fin de sa vie une découverte stupéfiante !

Mais que j’ai aimé ce roman ! D’abord, j’ai particulièrement apprécié le mode de narration, quelque chose de primesautier et plein d’humour à la Tristram Shandy, et en même temps parfaitement tenu : certains détails auxquels on n’avait pas prêté attention sur le moment et qu’on comprend 300 pages plus loin, lorsqu’on les avait oubliés.

L’héroïne elle-même est particulièrement attachante : une intellectuelle, forte et déterminée, et en même temps sensible. Et j’ai adoré son voyage à travers la vie et la planète et les réflexions sur le monde que propose ce roman, autour de la tension entre la pensée rationnelle et la pensée poétique, la science et la spiritualité, qui ne sont en fait opposées qu’en apparence.

Et cette idée fondamentale, qui est un des thèmes de Comme par magie : les idées révolutionnaires circulent, et peuvent s’adresser à plusieurs personnes pour les mettre au jour, lorsque leur temps est venu. Et tout cela au milieu des fleurs et des plantes !

Il y a juste une chose que je regrette dans l’histoire d’Alma (ce prénom !). Mais elle fait sens, et cela n’empêche pas ce roman d’être un véritable coup de cœur !

L’Empreinte de toute chose (lien affilié)
Elizabeth GILBERT
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascal Loubet
Clamann-Levy, 2013 (Livre de Poche, 2015)

6 réponses à « L’empreinte de toute chose, d’Elizabeth Gilbert : la transcendance »

  1. Avatar de Miss Zen

    J’ai adoré ce livre et Alma ne m’a jamais vraiment quitté – j’en parlais justement dans mon dernier billet. Et tu en parles très bien !

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      Ah oui, je pense que c’est un personnage qui hante longtemps…

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  2. Avatar de Processus d’écriture : les recherches – Caroline Doudet

    […] Quand je dis « je découvre », ce n’est pas tout à fait vrai, puisque c’est de cette manière qu’on fait une thèse : d’abord des années de recherches puis, une fois qu’on a tout, l’écriture. Avec ce même élan d’enthousiasme, d’apprendre des choses, de voir naître de nouvelles idées au gré du hasard et de la sérendipité. C’est cependant différent : pour ma thèse, j’avais un sujet et je savais plus ou moins où je voulais aller, même si je restais ouverte. Là, même si j’ai une idée, je me laisse porter, une recherche en entraîne une autre. Encore une fois, je fais l’expérience de la grande magie : ce que raconte Elizabeth Gilbert dans Comme par magie à propos de l’écriture de L’Empreinte de toute chose. […]

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  3. Avatar de Processus d’écriture : les recherches – Caroline Doudet

    […] C’est cependant différent : pour ma thèse, j’avais un sujet et je savais plus ou moins où je voulais aller, même si je restais ouverte. Là, même si j’ai une idée, je me laisse porter, une recherche en entraîne une autre. Encore une fois, je fais l’expérience de la grande magie : ce que raconte Elizabeth Gilbert dans Comme par magie à propos de l’écriture de L’Empreinte de toute chose. […]

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  4. Avatar de Processus d’écriture : les recherches – Caroline Doudet

    […] C’est cependant différent : pour ma thèse, j’avais un sujet et je savais plus ou moins où je voulais aller, même si je restais ouverte. Là, même si j’ai une idée, je me laisse porter, une recherche en entraîne une autre. Encore une fois, je fais l’expérience de la grande magie : ce que raconte Elizabeth Gilbert dans Comme par magie à propos de l’écriture de L’Empreinte de toute chose. […]

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  5. Avatar de Comment nourrir sa créativité au quotidien ? – Caroline Doudet

    […] hasards mis sur sa route, et au bout de trois ans elle s’assoit à son bureau car son roman L’empreinte de toute chose est prêt à être mis au monde. Quelle merveilleuse histoire, n’est-ce […]

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Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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