Henry et June : les cahiers secrets, d’Anaïs Nin

Henry et June : les cahiers secrets, d'Anaïs Nin

Je crois vraiment que si je n’avais pas été écrivain, si je n’avais pas ce besoin de créer, d’expérimenter, j’aurais pu être une femme fidèle. J’ai beaucoup de respect pour la fidélité. Mais mon tempérament obéit à l’écrivain, non à la femme. Un tel cloisonnement peut sembler enfantin, mais il est possible. Enlevez la force et le bouillonnement des idées, et vous obtenez une femme qui aime la perfection. Et la fidélité compte parmi les perfections. Si elle me paraît stupide et niaise aujourd’hui, c’est que j’ai des plans plus vastes. La perfection est statique, et je suis en pleine évolution. La femme fidèle n’est qu’une phase, qu’un moment, qu’une des métamorphoses, qu’une des conditions.

Je poursuis ma lecture des journaux d’Anaïs Nin, avec ce volume charnière écrit d’octobre 1931 à octobre 1932, et qui concerne la période June et Henry Miller.

Le fait est qu’il est un peu difficile de s’y retrouver dans les éditions des journaux, l’œuvre intégrale n’étant plus disponible dans une seule et même édition, ce qui complique la tâche, d’autant qu’il existe plusieurs versions de chaque. Après les journaux de jeunesse, je m’étais lancée dans « le journal de l’amour », avant de me rendre compte qu’il me manquait une année, et quelle année, éditée à part.

Mais. S’il s’agit bien ici de la version non expurgée, ce n’est pas pour autant la version intégrale du journal mais une sélection de pages éditorialisées afin de se concentrer sur Henry et June Miller.

Tout commence donc en 1931, et la rencontre entre Henry Miller et Anaïs Nin. Mais c’est d’abord de June, la femme d’Henry, qu’Anaïs s’entiche, même si on ne sait pas trop jusqu’à quel point, avant de vivre une liaison avec l’écrivain. C’est aussi à cet époque qu’elle découvre la psychanalyse, qui lui ouvre de nouvelles portes de compréhension d’elle-même.

Si vous ne me sentez pas plus emballée que ça, c’est normal, je ne l’ai pas été. Ou plus exactement, je suis très loin d’être convaincue par le choix éditorial qui a été fait de faire un livre à part avec le matériau du journal, car on perd alors la force de l’écriture diariste et on passe sans doute à côté de beaucoup de points essentiels dans cette période charnière de prises de conscience, mais aussi de découverte de la jouissance.

Il y a toujours, chez Anaïs Nin, cette dualité entre la femme et l’écrivaine, et elle ne parvient pas à s’unifier : la phrase que j’ai mise en exergue, où elle met son besoin d’expériences sexuelles sur le dos de cette dernière, est assez représentative, et en dit beaucoup sur son rapport à la féminité et à la sexualité.

L’expérience de la psychanalyse viendra d’ailleurs porter un éclairage particulier sur ces questions, même si on est à une période où Freud et ses théorie règnent en maître et où les analyses sont parfois un peu caricaturales.

Reste que, et c’est ce que je trouve dommage, le travail éditorial a largement supprimé l’écrivaine, on n’a très peu de réflexions sur l’écriture, sur ses travaux en cours. Et malgré cette dualité qu’elle pointe, il est évident que chez Anaïs Nin tout est tellement entremêlé que l’on perd quelque chose.

De plus, j’ai eu beaucoup de mal à cerner ses sentiments pour Henri Miller (elle aussi, cela étant).

Un volume que j’ai donc eu un peu de mal à apprécier, alors que la période est essentielle : l’hyperconscience douloureuse d‘Anaïs Nin, sa quête de soi à travers la sexualité et la séduction, la thématique de l’inceste qui commence à émerger sont fondamentaux dans son parcours, mais j’aurais préféré lire le journal dans son intégralité.

Henry et June. Les Carnets secrets. (lien affilié)
Anaïn NIN
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Béatrice Commengé
Stock, 2007

2 commentaires

  1. James Jones dit :

    Cela me rassure, je ne suis pas le seul que les choix éditoriaux surprennent (et déçoivent !) beaucoup 🧐.
    Entre parfois l’amputation de quelques phrases (plus au goût du jour, ou surtout maintenant, pour ne plus heurter la sensibilité d’esprits chagrins) ou le saut du coq à l’âne dans les reprises de textes, on n’est pas au bout de nos surprises.
    Ce qui fait qu’une partie de mes ouvrages favoris ont des dates de parution différentes ^^. Et parfois même une langue différente !
    J’ai, pour un même manga, quatre versions différentes : japonaise, anglaise, espagnole et française.
    Joies et bonheur des maisons d’édition.
    Ce qui me fait comprendre la frilosité de certaines écrivaines et écrivains à l’idée de se faire éditer 🧐(entre le côté financier et le risque d’avoir son œuvre dénaturée…).

    Merci en tout cas pour vos impressions sur le sujet ^^, et bonnes lectures et surtout inspirations à vous.

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