Voyage en solo : pourquoi partir et comment lever les résistances ?

Plus personne ne s’étonne de mes excursions seule avec moi-même : pour mon entourage, c’est une telle évidence que ce serait si je ne partais pas qui serait étonnant. Pour moi, c’est une question d’équilibre et de ressourcement : j’aime être chez moi, mais j’ai besoin, de temps en temps, de partir quelques jours ailleurs pour penser autrement, et découvrir de nouvelles choses mais à mon rythme. Deux fois par an, même si j’aimerais en ajouter une troisième : au mois de mai, je pars en voiture sur un long week-end pas très loin de chez moi. Et au mois de juillet, je pars une semaine à l’étranger.

Si plus personne ne s’étonne, et si le voyage en solitaire au féminin est devenu un tel mouvement de fond que c’était le sujet de culture générale du BTS l’an dernier, je reçois pas mal de questions de celles (mais ceux aussi) qui hésitent à se lancer. Je vous propose donc une petite série d’articles sur la manière dont je m’y prends pour m’organiser, et aujourd’hui je veux avant tout répondre à cette question : mais pourquoi ? Et vous aider, avec certaines questions d’introspection, à lever quelques premiers blocages possibles, et qui concernent aussi bien les femmes que les hommes d’ailleurs.

Pourquoi partir ? Les bienfaits du voyage en solitaire

Dans son récit Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson raconte les 6 mois qu’il a passés totalement seul dans une petite cabane sur les bords du lac Baïkal. L’expérience est extrême mais ce texte permet une riche réflexion sur ce que ce genre d’aventure permet de vivre intérieurement. Tesson choisit le dépaysement et l’isolement les plus absolus, mais même à une heure de route de chez vous, vous pourrez trouver des similarités : le principe, c’est d’être seul, face à soi-même, et de découvrir sa vie intérieure. La première fois qu’il se retrouve seul, dans sa cabane, le premier soir, il écrit :

Le camion n’est plus qu’un point. Je suis seul, les montagnes m’apparaissent plus sévères. Le paysage se révèle, intense. Le pays me saute au visage. C’est fou ce que l’homme accapare l’attention de l’homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend jouissance des choses. […] J’ai atteint le débarcadère de ma vie. Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure.

Deux éléments sont particulièrement intéressants dans cet extrait : d’abord, cette impression que la solitude, en éliminant les distractions que peuvent constituer les autres, rend le monde plus vivant. Le texte se fonde sur un pas de côté par rapport au monde et à la vie quotidienne, dans l’immobilité et non dans le mouvement : ce qui est en jeu, ici, c’est d’apprendre la lenteur, la contemplation, qui est aussi apprentissage de soi et découverte de sa vie intérieure.

La solitude permet aussi de vivre en harmonie parfaite avec la nature, le cycle des saisons, et de peupler la seule patrie qui vaille : l’instant. La sensualité déborde dans le texte : celle de la vie, les goûts, les odeurs, le froid et le chaud, les paysages grandioses, bien sûr. C’est un exercice de liberté absolue, dangereux dans ce cas il faut bien le dire car Tesson aime beaucoup provoquer le destin et flirter avec la mort, mais essentiel : trouver la paix et se trouver soi.

Mais il n’y a pas besoin de s’isoler au milieu de nulle part en prenant des risques pour faire l’expérience de la solitude (et celle-ci n’a pas besoin d’être radicale), il suffit de partir là où on ne connaît personne. Et il n’y a pas besoin de rester « immobile ».

A ce stade-là, vous vous dites peut-être « oui oui c’est très bien, mais ce n’est pas pour moi ». Nous allons donc voir les résistances qui peuvent vous empêcher de vous lancer, et qui sont souvent construites sur de fausses croyances.

Lever les résistances au voyage en solo

« Je n’aime pas être seul »

Une première résistance qui peut s’avérer coriace. Je vous invite donc au préalable à vous interroger sur votre rapport à la solitude : est-ce que vous aimez être seul, est-ce que vous en avez besoin, ou est-ce qu’au contraire vous la fuyez ? Avez-vous peur de la solitude ? Passez-vous souvent du temps seul, chez vous ?  Faites-vous habituellement des activités seul ou avez-vous besoin d’une compagnie dès que vous voulez faire quelque chose ? Par exemple, vous arrive-t-il d’aller seul au cinéma, visiter une exposition, vous promener, voire déjeuner ou dîner au restaurant, ou renoncez-vous à ces activités si vous n’avez personne pour vous accompagner ?

Si vous n’effectuez aucune activité seul, qu’est-ce qui vous en empêche ? Quelles émotions surgissent à cette idée ? Des souvenirs (L’idée de manger seul, notamment, fait souvent ressurgir des souvenirs scolaires parfois pénibles : la honte de se retrouver seul à une table à la cantine, la tristesse, la colère contre ceux qui vous ont « laissé tomber ». Cela peut aussi être la peur du jugement, de ce que vont penser les autres… cela peut être des choses beaucoup plus personnelles, souvent liées à l’enfance) ? Des peurs ? De la colère peut-être ? Accueillez ces émotions, nommez-les précisément, et essayez de comprendre pourquoi elles sont là, ce qu’elles vous disent (sans leur laisser le pouvoir) ! Si vous ne savez pas trop comment travailler avec les émotions, je vous rappelle que toute une partie de l‘Invitation à un voyage introspectif y est consacrée.

Si vous n’êtes pas familier des activités en solitaire, je vous suggère, avant d’envisager une véritable escapade, d’apprivoiser petit à petit la solitude : vous pouvez par exemple commencer par une activité culturelle : aller voir un film, ou visiter une exposition ; si votre peur est liée au jugement d’autrui sur la solitude, vous pourrez constater que beaucoup de gens ne sont pas accompagnés non plus pour ce type d’activités : c’est même quelque chose que beaucoup apprécient. Ensuite, vous pourrez essayer une promenade dans la nature. Enfin, vous pourrez envisager un café, un déjeuner, puis un dîner au restaurant.

Pourquoi pas, si c’est possible dans votre vie, passer quelques jours seul ou seule chez vous.

A chaque fois, prenez votre journal, non pas nécessairement pour vous donner une contenance, mais pour noter ce qui vous traverse : qu’est-ce que cela vous fait d’être seul ? Comment vivez-vous cette expérience ? Est-ce que vous avez l’impression que l’activité que vous avez choisie s’est approfondie, enrichie par le fait de la mener seul (c’est le cas notamment des expositions ou des musées : on ne profite pas de la même manière des œuvres lorsqu’on est seul ou accompagné) ? Est-ce que partager vos ressentis vous manque ?

Vous avez à présent apprivoisé plus ou moins la solitude. Je dis plus ou moins, parce que cela dépend de notre caractère (les introvertis ont naturellement besoin de la solitude et la recherchent, et les extravertis au contraire cherchent le contact avec les autres), de notre histoire (les enfants uniques comme moi par exemple ont souvent beaucoup moins de mal à faire des activités seuls, parce qu’ils l’ont toujours fait) : ne visez donc pas à devenir un grand solitaire si ce n’est pas votre tendance de base ; il s’agit simplement de ne plus paniquer à l’idée de faire des choses seul et de passer du temps seul, et à ne plus éviter de le faire : souvent, les gens se privent d’un film ou d’une exposition parce que personne ne souhaite les accompagner, et c’est dommage !

Nous allons à présent nous interroger sur l’ennui, et la lenteur.

« Mais je vais m’ennuyer ! »

Quel est votre rapport avec l’ennui ? En voyage solitaire, on n’est pas toujours occupé : d’abord, dans le voyage tel que je le conçois, le programme est plutôt léger, avec de nombreux moments de… rien (une de mes principales activités, en voyage, est de m’asseoir à une terrasse pour boire un café ou un verre, et juste regarder le monde autour de moi, m’imprégner de l’énergie de la ville, laisser vagabonder mes pensées…) qui sont en réalité très fertiles ; ensuite parce qu’il y a toujours des moments, notamment le soir, où on n’est pas occupé.

Je vous invite donc à vous interroger sur votre capacité à « ne rien faire » : êtes-vous du genre hyperactif, avec un planning sans temps mort, ou au contraire aimez-vous les phases d’inactivité ? Saisissez-vous votre smartphone dès que vous n’avez rien à faire (transports, file d’attente…) ? Etes-vous capable de rester un long moment à regarder un paysage, la mer par exemple, sans rien faire d’autre, sans parler si vous êtes avec quelqu’un ? Je parle bien de faire, et non de penser : il ne s’agit pas ici de méditation au sens strict, mais bien d’être capable de s’arrêter d’agir.

Si cela vous semble difficile (et cela peut avoir un lien avec la solitude, mais ce n’est pas nécessairement le cas), là encore il va falloir, petit à petit, apprivoiser cet état de « vacance ».

Je vous propose donc de partir en promenade seul, sans votre smartphone, et sans votre journal poétique (sans livre non plus, ni musique, ni rien). Et, dans un premier temps, d’être pleinement dans la promenade. Ensuite, à un moment de la promenade, vous allez vous arrêter, et vous asseoir : sur un banc, sur la plage… Restez tranquille, juste à regarder, à penser, le plus longtemps possible. Notez mentalement ce qui se passe en vous. Vous pouvez aussi faire cette expérience à une terrasse : c’est à la fois plus facile, parce qu’à une terrasse il y a toujours de nombreuses choses sur lesquelles faire porter son attention, mais aussi plus difficile, justement parce qu’autour les autres s’agitent, et cela nous enlève toute contenance. Au retour, notez vos impressions dans votre journal poétique. Faites-le plusieurs fois et essayez, à chaque fois, d’allonger votre temps de « calme ».

« Je n’ai pas le droit de partir comme ça ! »

Enfin, nous allons aborder ici les autres résistances concernant cette possibilité d’une escapade en solitaire, résistances qui vont être de deux ordres, et ne vont pas concerner tout le monde.

La première va concerner le jugement d’autrui : est-ce qu’il y a une part de vous qui s’inquiète de ce que vont penser les autres ? Qu’ils vont vous juger égoïste, bizarre ? Les autres, cela peut être les gens en général, cela peut aussi être votre conjoint, vos enfants, et à ce moment-là ce n’est pas seulement l’introspection qui va lever le blocage, il va aussi falloir une discussion pour expliquer les raisons pour lesquelles vous voulez faire ce voyage, et rassurer que ce n’est pas un « abandon » si vous sentez que ça coince de ce côté-là. Pour les autres personnes moins proches, interrogez-vous sur votre rapport à ce jugement d’autrui : est-ce vraiment important ? Est-ce que vraiment ils vont penser ce que vous pensez qu’ils vont penser ? Et pourquoi ça vous touche ?

La deuxième résistance est interne : c’est la culpabilité. Est-ce que vous vous sentez coupable à l’idée de prendre du temps pour vous ? D’où vient cette idée que c’est mal de s’occuper de soi : de votre éducation, de l’image que vous voulez donner ? Est-ce vraiment mal ? A ce stade-là, n’oubliez pas cette consigne lorsqu’on prend l’avion : il faut mettre son propre masque à oxygène avant de vouloir aider les autres à mettre le leur ! Il n’y a donc pas de mal à prendre du temps pour soi, au contraire, c’est comme cela que l’on peut ensuite être disponible pour les autres.

Voilà, j’espère qu’avec ces quelques paragraphes je vous aurai donné envie de tenter l’expérience du voyage solo. Et la semaine prochaine, nous aborderons mon point préféré : le choix de la destination !

6 réponses à « Voyage en solo : pourquoi partir et comment lever les résistances ? »

  1. Avatar de Phrenssynnes
  2. Avatar de Harry
    Harry

    Un avantage non négligeable est aussi d’être disponible pour rencontrer des gens intéressants.

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  3. Avatar de Voyage en solo : choix de la destination et visualisation – Caroline Doudet

    […] les connotations maritimes, alors qu’en fait pas du tout) : après nous être interrogés sur les raisons de partir et les blocages, nous allons aujourd’hui nous intéresser à l’essentiel : le choix de la destination […]

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  4. Avatar de Voyage solo : FAQ – Caroline Doudet

    […] un point dont j’ai déjà parlé dans le premier épisode. De fait, j’ai toujours eu l’habitude de faire les choses seule, je n’y ai jamais […]

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  5. Avatar de Enfin seule, de Lauren Bastide – Caroline Doudet

    […] mais cela fait que son chapitre sur le sujet est un peu biaisé. Mais j’ai moi-même beaucoup travaillé sur le sujet, je n’aurais peut-être pas appris grand […]

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Je suis Caroline !

Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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