Deuxième épisode de notre mini-série de la rentrée sur le voyage en solitaire (ça fait grande aventure dit comme ça, avec toutes les connotations maritimes, alors qu’en fait pas du tout) : après nous être interrogés sur les raisons de partir et les blocages, nous allons aujourd’hui nous intéresser à l’essentiel : le choix de la destination et la manière dont on peut profiter de son voyage avant même de partir, en le rêvant !
Comment choisir sa destination ?
Choisir la destination est en général chez moi un processus long de plusieurs semaines, qui finit par se résoudre un beau matin, lorsque je me réveille décidée. Parfois, à ce stade, il peut encore m’arriver de changer, et la destination n’est pas certaine avant que je réserve, mais la chose la plus importante c’est de s’écouter.
Je me souviens en 2019 combien ce choix a été difficile : d’abord je m’étais fixée sur Copenhague, puis sur Florence/Pise, puis sur Édimbourg. Mais au moment de réserver, je n’y parvenais pas, quelque chose en moi résistait, je ne sais pas quoi (et je ne le sais toujours pas vraiment) et cela a duré quelque temps jusqu’à ce qu’il devienne urgent que je me décide. Alors sur un coup de tête, sans aucune réflexion préalable et sans du tout savoir ce que j’allais y faire, j’ai réservé pour Milan, qui était vaguement sur ma liste parce qu’une connaissance m’avait fait promettre d’y aller un jour, mais loin d’être prioritaire.
D’autres fois c’est une évidence dès le début, des mois à l’avance : en 2016, à peine rentrée d’Amsterdam, je savais que l’année suivante j’irais à Lisbonne. L’an dernier en rentrant de Turin, j’avais déjà des vues sur Malaga (même si, comme je l’explique dans l’article, ça a varié à un moment). Et je connais déjà ma destination pour 2025 : ce sera (a priori) Bari.
J’ai aussi toute une liste d’envies, construite à partir notamment de ce que je vois sur Instagram, des voyages qu’ont aimé mes amis, liste dans laquelle je pioche… ou non !
Nous allons donc partir de ce qui vous appelle. Alors, peut-être que vous savez déjà exactement où vous voulez aller. Si ce n’est pas le cas, on va commencer sans chercher à être nécessairement réaliste (pour le moment) : dans votre journal, vous allez choisir une dizaine d’endroits que vous voudriez vraiment découvrir, sans vous censurer, que ce soit pour des questions d’argent, de contexte, ou que sais-je. Choisissez des endroits qui vous appellent, qui vous font vibrer, qui vous procurent de la joie lorsque vous y pensez, et essayez de trouver pourquoi ils vous appellent, l’image que vous en avez, ce que vous pourriez y trouver. Vous pouvez ajouter des photos.
Est-ce qu’il y a des éléments qui reviennent ? Un pays en particulier, une ambiance (la mer, la montagne, la ville ou au contraire un espace naturel), un climat peut-être (les pays du nord, les pays du sud… Moi j’ai fini par me rendre compte que mes voyages dans les pays du nord m’avaient moins enthousiasmée, parce que j’ai besoin du soleil et de la chaleur). De quoi avez-vous envie, profondément ?
Peut-être que vous avez déjà fait votre choix, qu’il y a un endroit où vous avez vraiment envie d’aller, ou plusieurs endroits pourquoi pas (c’est peut-être un road trip en camper qui vous tente, ou un bout du chemin de Compostelle), et où il est tout à fait possible d’organiser une escapade, le possible dépendant de la situation de chacun.
Sinon, laissez à vos envies le temps d’infuser, et normalement, la réponse finira par arriver. Evidente. C’est cet endroit qui vous permettra de découvrir de nouvelles facettes de vous. Vous le saurez :
J’ai renoncé à choisir — Italie ? Inde ? Indonésie ? — et j’ai fini par admettre tout simplement que je voulais faire ces trois voyages. Passer quatre mois dans chacun de ces pays. Partir un an en tout. Naturellement, c’était un rêve un poil plus ambitieux que déclarer « Je veux m’offrir une nouvelle boîte de crayons à papier. » Mais c’est ce que je voulais. Et je savais que je voulais écrire sur cette expérience. Mon projet n’était pas d’explorer ces pays par le menu — cela a déjà été fait — mais une facette précise de ma personnalité posée sur la toile de fond de chacun de ces pays, réputés pour exceller depuis toujours dans un des domaines suivants : je voulais explorer l’art du plaisir en Italie, l’art de la dévotion en Inde, et en Indonésie, l’art d’équilibrer les deux. Ce n’est que plus tard, une fois que j’ai admis caresser ce rêve, que j’ai pris garde à l’heureuse coïncidence : tous ces pays portaient un nom commençant par la lettre I, qui signifie « je » en anglais. N’était-ce pas de sacrément bon augure pour un voyage consacré à la découverte de soi ?
C’est la conclusion à laquelle aboutit Elizabeth Gilbert dans Mange, Prie, Aime.
Si vraiment la destination ne vient pas, que vous n’arrivez pas à choisir, je vous propose de faire appel à votre intuition et de noter le nom des destinations possibles sur des morceaux de papier, que vous mettrez dans des enveloppes. Mélangez bien, puis prenez chaque enveloppe dans vos mains, et essayez de ressentir : est-ce agréable ou non ? Est-ce oui, ou non ? Quelle enveloppe dit le plus oui, c’est-à-dire avec quelle enveloppe les sensations sont-elles les plus agréables ? Normalement, en ouvrant l’enveloppe, ça devrait être évident.
Rêver le voyage
J’aime beaucoup cette période durant laquelle je sais que je vais partir. Je me projette, je rêve, j’imagine. Attention cependant à ce que j’appelle le « filtre esthétique du voyageur » : dans ma thèse, j’ai étudié des récits de voyage en Egypte, et j’ai montré comment, dans des textes où la réalité était supposée être retranscrite telle qu’elle est, elle était en fait perçue à travers des filtres dont l’un, esthétique, était construit à partir de l’image préalable qu’avaient les voyageurs de ce qu’ils allaient voir, un « horizon d’attente » constitué notamment des lectures des récits de voyage précédents (je travaillais sur le XIXe, le filtre était donc essentiellement constitué de récits, et un peu de tableaux ; aujourd’hui, il faut aussi tenir compte de l’inflation des images et notamment sur Instagram). On va donc essayer d’anticiper, de rêver, tout en ne projetant pas trop d’attentes précises. Exercice d’équilibriste.
1. Tout d’abord je vous invite, dans votre journal poétique, à réfléchir de nouveau sur les raisons pour lesquelles vous avez choisi cette destination. Quels mots, quelles ambiances, quelles odeurs, bruits, chansons, goûts, couleurs se présentent à vous quand vous y pensez ? Y a-t-il des lieux particuliers que vous avez envie de voir ? Des plats que vous avez envie de goûter ? Pour mon voyage à Bari, je rêve : Italie et sa douceur de vivre, la chanson Felicità d’Al Bano et Romina Power, pratiquer cette si belle langue que j’apprends assidument, beau temps et plage, culture (il y a un musée archéologique, et j’adore les musées archéologiques) et patrimoine, pasta et spritz en terrasse.
2. Carte poétique : à ce stade, j’aime bien accrocher dans mon bureau une jolie carte de ma destination : on en trouve de très jolies sur Pinterest et sur Etsy, et elle me sert ensuite au retour pour faire ma boîte à souvenirs (nous y reviendrons).
3. Liste à lire : y a-t-il des romans ou des récits qui se déroulent là où vous partez ? Des anthologies (Il existe notamment la collection « Le goût de » (Amsterdam, Barcelone, Florence, Lisbonne…) au Mercure de France, et « Escapades littéraires » (Rome, Berlin, Séville…) chez Robert Laffont) ? Avez-vous envie de les lire ? Si oui, il y a deux manières de procéder : soit avant le voyage, pour se mettre dans l’ambiance et pourquoi pas repérer des endroits intéressants à voir, soit pendant le voyage (j’aime les deux, donc en général je panache, mais j’avoue trouver absolument délicieux de lire un roman qui se déroule à l’endroit même où je suis, et de partir à la chasse aux lieux précis qui sont mentionnés, comme je l’ai fait avec L’Année de la mort de Ricardo Reis à Lisbonne).
4. Vous pouvez, surtout si votre voyage est dans longtemps, constituer un petit moodboard dans votre journal poétique, avec des images, des couleurs, tout ce qui va vous permettre de rêver votre destination et de vous en imprégner complètement.
C’est comme cela que je profite de mon voyage avant même de le faire : pendant des mois (et surtout les mois des saisons sombres, qui sont les plus difficiles à supporter pour moi) je le rêve et je m’y projette, et cela fait un bien fou !
La semaine prochaine, nous aborderons la question de l’organisation pratique !









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