Voyage en solo : faire une belle rencontre avec soi

Nous voici parvenus au quatrième et avant-dernier épisode de notre petite série de rentrée sur le voyage en solitaire, et aujourd’hui je vous propose d’aborder, comme la logique le demande, le temps fort du voyage lui-même, mais aussi l’après voyage : comment capitaliser sur cette expérience, et en profiter pendant des mois ?

Pendant le voyage : se mettre en état de disponibilité poétique

Comme je l’écrivais la semaine dernière, il est essentiel de ne pas surcharger le programme : vous n’êtes pas là uniquement pour faire, mais pour être, et il est donc essentiel de laisser place au non-planifié, à la surprise, à ce qui est différent de ce qu’on attendait. Se permettre de changer d’avis à la dernière minute : vous aviez prévu d’aller voir tel musée et soudain, vous êtes attiré par un jardin botanique que vous n’aviez pas repéré (expérience personnelle) ? Suivez votre envie.

Laissez du temps vide, n’ayez pas peur de vous ennuyer : c’est là que se produit l’important. Flânez sans but dans les rues, sans peur de vous perdre (on finit toujours par se retrouver) et en suivant juste votre intuition. Arrêtez-vous à une terrasse pour prendre une boisson, ou asseyez-vous sur un banc, dans un parc, et observez.

N’essayez pas de contrôler votre voyage : laissez-vous porter, ressentez. Lâchez prise. Organisatrice de ce qu’elle appelle « les fugues », Alice Cheron insiste sur ce point :

Durant une fugue, vous vous autorisez à vivre des sentiments nouveaux ou oubliés, votre instinct redevient votre guide. En ne maîtrisant pas tout, vous allez permettre la création de surprises, peut-être d’émerveillement, de souvenirs indélébiles. Vous allez donc vibrer, et vibrer fort. Réveiller ces sentiments à l’intérieur de vous n’est pas une petite étape et la peur est tout à fait compréhensible, mais prenez-la comme ce fameux signal vert que quelque chose de positif va se passer. Car comment s’ouvrir à de nouveaux horizons de réflexion, si vous maîtrisez tout comme c’est le cas chez vous ?

Il me paraît important, au cours de cette expérience, d’avoir toujours avec vous votre journal poétique, et de noter au fur et à mesure tout ce qui vous traverse :

1. D’abord, bien sûr, être particulièrement attentif aux cinq sens, qui sont aiguisés dans un lieu nouveau, exotique, et permettent de se connecter avec davantage de profondeur au moment présent : que voyez-vous ? Que sentez-vous ? Qu’entendez-vous ? Que ressentez-vous (au niveau tactile) ? Pour approfondir sur cette question des cinq sens, vous pouvez travailler avec mon Invitation à un voyage sensoriel.

2. Ecrivez aussi sur ce qui vous touche, ce qui vous enchante, vous émerveille, au contraire vous déçoit, vous attriste, vous effraie : les émotions comme les sens sont particulièrement vives en voyage, donc laissez-les être, interrogez-les. Demandez-vous régulièrement ce que vous ressentez, et pourquoi :  comment est cette émotion ? Qu’est-ce que je ressens dans mon corps ? Quelles sensations ? Est-ce agréable ou désagréable ? Est-ce que cela me donne de l’énergie ou au contraire est-ce que cela m’épuise ? Si je devais attribuer une couleur, un son, un goût, une texture à cette émotion, quels seraient-ils ? Soyez le plus précis possible, donnez des détails.  Pourquoi ? Qu’est-ce qui fait que je ressens cette émotion, là, tout de suite ? Quel événement, quelle situation ? Et qu’est-ce que cette émotion a à me dire (de positif ou de négatif) ? Qu’est-ce qu’elle me dit sur moi, sur mes besoins ? Tout un chapitre de mon Invitation à un voyage introspectif est consacré aux émotions.

3. C’est ce travail d’introspection qui donne aussi tout son sens à l’expérience que vous êtes en train de vivre : le voyage permet une reconnexion à soi. En voyage, on n’est plus prisonnier du rôle éventuel que l’on joue au quotidien : on peut se donner la permission d’être pleinement soi-même. Lorsque je suis en voyage et que je rencontre des gens qui me demandent, parce que c’est la question la plus facile, « ce que je fais », je réponds que je suis écrivain : c’est la réponse la plus vraie, même si elle n’est pas totalement vraie.

Et avant même de se donner la permission d’être pleinement soi-même, le voyage permet de le découvrir, en suivant ses propres envies, et en s’écoutant. C’est même, pour tout dire, le but. Je cite à nouveau Alice Cheron :

S’il y a une seule obligation durant ma fugue, ce serait celle-là : me regarder bien en face et tenter d’analyser en conscience ce qui m’arrive. Je ne peux plus repousser certains dialogues internes. Durant ce voyage si particulier à la rencontre de moi-même, toutes les dispositions ont été prises pour faire remonter mes émotions à la surface. Je pars seule, j’ai choisi ma destination en fonction de ce qu’elle m’inspire et de ce que j’espère y trouver, je redescends en pression en me détachant de mon quotidien, dont je connais chaque détail… je prends de la distance pour me retrouver dans un cadre neuf qui m’autorise à penser, à ressentir ce que je veux, au moment où je veux.  

Collecter des souvenirs

N’hésitez pas, au cours de votre voyage, à garder tout ce qui vous semble important. Et quand je dis tout, je ne parle pas seulement des billets d’entrée pour les lieux que vous allez visiter. Personnellement, je récolte aussi les sucres qui accompagnent le café, les prospectus, les cartes publicitaires, les cartes de visite. Je n’hésite pas aussi à acheter quelques babioles très typiques dans les boutiques à souvenirs. Récemment je vous faisais d’ailleurs la liste de tout ce que je rapporte de voyage !

Ce matériel peut être utilisé sur place, pour illustrer votre journal poétique, mais vous pouvez aussi (l’un n’exclut pas l’autre) en garder pour votre boîte à souvenirs, comme nous l’allons voir.

Après le voyage : prolonger l’expérience

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Joachim du Bellay

Le voyage est une expérience et non une parenthèse : il nous change, nous transforme, et après le retour, il continue à infuser en nous, à faire son chemin. Nous allons donc voir comment, après le retour, nous pouvons prolonger cette expérience afin d’enrichir notre quotidien.

Cultiver le souvenir

1. Tout à l’heure je vous ai suggéré de rapporter avec vous tout plein de petites choses qui vous rappellerons votre voyage : tickets et billets, emballages divers, échantillons, quelques petits souvenirs « kitsch ». Vous pouvez aussi, bien sûr, imprimer quelques photos. Ce que nous allons réaliser maintenant ne sera pas dans votre journal poétique, mais sera plutôt un objet poétique qui fonctionnera comme une capsule temporelle et sensorielle. J’appelle cela une memory box.

Il vous faudra une boîte (par exemple, une boîte à chaussure ; de mon côté j’utilise des anciennes box beauté dont je dispose encore en nombre conséquent, ce qui me permet d’avoir des boîtes de la même taille) sur laquelle vous pouvez coller la carte qui vous a servi à fertiliser votre imaginaire ; vous pouvez aussi faire un collage, dessiner, bref, tout ce que vous voudrez. Ensuite, placez tous vos petits souvenirs dans votre box, et rangez-là dans un endroit où vous pourrez facilement la prendre et l’ouvrir. Elle pourra, par la suite, vous servir de réconfort ou de déclencheur (quel souvenir fait remonter tel objet de la box ?). Je complète désormais cette boîte par une page dans The Adventure Book, que j’adore feuilleter et qui est de plus en plus rempli !

Memory Box Bruxelles

2. Autre moyen de cultiver le souvenir : les livres. Je rapporte toujours au moins un livre de mes voyages : un exemplaire (parfois plus) du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry qui est mon livre tutélaire (si j’étais un personnage de fiction, je serais le Petit Prince) et qui a en outre cet avantage immense de se trouver absolument partout : comme je ne suis pas la seule à avoir cette manie de collectionner ce livre, les librairies en ont toujours beaucoup d’exemplaires dans des éditions variées, dans une multitude de langues (à Milan je l’ai trouvé en Italien, mais aussi en latin, et dans plusieurs langues régionales). Je vous suggère, si vous envisagez de commencer une telle collection, de choisir une œuvre qui fait sens pour vous, en sachant néanmoins qu’elle sera peut-être difficile à trouver : j’ai un début de collection identique avec Bonjour Tristesse mais malheureusement je ne le trouve pas toujours.

3. Et pourquoi ne pas faire un livre photo ? C’est ma nouvelle manie, et je trouve extrêmement agréable d’avoir sur ma table basse des albums à feuilleter et qui me replongent dans mes souvenirs !

Fixer l’expérience

Il est essentiel, après le retour, de laisser infuser un peu, avant de revenir de manière rétrospective sur cette aventure dans votre journal poétique :

1. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de ce voyage ? Quels souvenirs sont les plus forts, les plus vifs ? Quels sens en particulier ? Quelle activité ? Quelle émotion surgit lorsque vous pensez à ce voyage ? Et, question très difficile : si tous vous souvenirs de ce voyage sauf un disparaissaient, lequel voudriez-vous garder pour toujours ?

2. Faites un abécédaire sensoriel : pour chaque lettre de l’alphabet, racontez un moment lié à un sens, en essayant de varier au maximum tous les types de stimulation sensorielle.

3. Qu’est-ce que cette petite escapade vous a apporté ? Qu’avez-vous appris sur vous ? Avez-vous eu un déclic sur quelque chose ?

4. Votre état d’esprit a-t-il changé ? Un « nouveau vous » (ou un vous plus authentique) a-t-il émergé ?

Garder les bonnes habitudes et rester dans les vibrations

Encore une fois, le voyage ne doit pas constituer une parenthèse : il doit aussi apporter de nouvelles choses dans votre vie, l’enrichir. Evidemment, il n’est pas possible de vivre chaque jour sa vie comme si on était en voyage, mais on peut garder certains principes à l’esprit, et faire tout son possible pour se ménager des espaces « comme en voyage » :

1. Continuez à suivre votre joie et à faire des choses pour vous, qui vous font envie : aller visiter cette exposition qui n’intéresse personne d’autre, voir ce film, ou vous promener (pourquoi pas, de temps en temps, planifier une journée à vous, en ville ou ailleurs, à faire ce dont vous avez envie ?). Il ne s’agit pas de ne plus faire aucunes concessions aux autres, mais de ne pas toujours en faire, et ne pas sacrifier ce qui vous fait plaisir à vous.

2. Ménagez-vous des temps de solitude et des espaces vides, pour que puisse surgir l’inattendu.

3. Restez attentif, disponible, dans cet état de « vigilance poétique » dont naît l’émerveillement. Notamment, cultivez votre attention à vos cinq sens, comme si vous étiez tout le temps dans un lieu étranger ; soyez aussi disponible à vos émotions, à ce qu’elles ont à vous dire.

4. Vous avez probablement beaucoup écrit dans votre journal poétique, beaucoup créé aussi : continuez !

Planifiez une nouvelle aventure

Bien sûr : au bout d’un moment, la grande bouffée d’air frais qu’on a prise commence à s’estomper. Et planifier un nouveau voyage, rêver une nouvelle destination, repartir donc, sans fin, est un merveilleux moyen de rester inspiré !

Voilà, j’espère que cette petite série vous a plu et vous a inspiré pour partir en escapade quelques jours à la rencontre de vous-même : ce n’est pas du tout la même chose que de partir en couple ou entre ami, c’est un autre type d’expérience, et avec cette série j’espère avoir répondu à cette question qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux en ce moment : « mais pourquoi partir en voyage seul ? » et tordu le cou à ce cliché : « c’est triste de partir seul, c’est qu’on n’a trouvé personne pour nous accompagner ». Et bien : pas du tout, c’est une expérience enrichissante dont je ne pourrais plus me passer !

La semaine prochaine, nous clôturerons la série avec une FAQ : si vous avez encore des questions auxquelles je n’ai pas répondu, n’hésitez pas à les poser en commentaire, car il y a peut-être des sujets auxquels je ne pense pas !

3 réponses à « Voyage en solo : faire une belle rencontre avec soi »

  1. Avatar de Miss Zen

    J’aimais beaucoup voyager seule quand j’étais plus jeune. C’est effectivement une belle expérience , tu en parles très bien. Et tu me donnes envie de recommencer.

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      Mais oui, il n’y a pas d’âge !

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  2. Avatar de Voyage solo : FAQ – Caroline Doudet

    […] et dernier épisode de notre petite série sur le voyage solo. La semaine dernière, je vous proposais de me poser les questions auxquelles je n’avais pas répondu au cours des […]

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Je suis Caroline !

Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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