Comme il existe autant de labyrinthes que de corps, je ne me flatte pas de découvrir d’emblée l’idéal chemin sous-jacent à une peau. Mais qu’il est donc émouvant de hasarder, tout à l’écoute de l’accueil que vous fait la chair ; de choisir tel parcours entre « mille chemins ouverts » ; de délimiter, comme antique cartographe, ici une île des délices, là une vallée de merveilles ou une plaine de cocagne… Pour mon bénéfice présent et futur ; pour le sien encore, elle qui ne se connaissait que par ses reflets ou la fréquentation des éléments ; qui ne s’était jamais si diversement savourée, seul savoir de soi qui peut-être importe !
Il y a de cela plus longtemps que je ne le pensais, j’avais eu un véritable coup de foudre pour Les Murmures de l’amour de François Solesmes, et j’avais mis sur ma liste d’autres titres de cet auteur, augurant que tout son travail sur le féminin et l’amour et l’érotisme allait m’enchanter. Malheureusement, beaucoup de ses œuvres sont indisponibles, et c’est la raison pour laquelle je n’y suis pas allée de manière compulsive, contrairement à mon habitude, histoire de le découvrir petit à petit et de conserver pour l’avenir de nombreuses sources d’émerveillement. L’autre jour, néanmoins, un peu en manque d’inspiration, j’ai eu envie de lire celui-ci.
Eloge de la caresse, mais aussi du corps féminin aimé et caressé, de la main qui le vénère, parcelle par parcelle : la caresse se fait ici sens premier et essentiel de l’érotisme, acte de dévotion et d’amour.
Et c’est absolument sublime, à la fois bouleversant et lumineux : comme dans un long poème en prose, d’un érotisme et d’une sensualité rares qui en font un des plus beaux textes érotiques qu’il m’ait jamais été donné de lire (et pourtant, croyez-moi, j’en ai lus, beaucoup, et des très beau), l’auteur déploie ses réseaux métaphoriques, la mer, les fleurs, la nourriture, les tissus. On pourrait croire qu’en concentrant l’érotisme sur un seul sens, cela ne soit frustrant, mais c’est tout le contraire : ici, tout est lenteur, il caresse et vibre comme on visite un pays et c’est finalement le monde lui-même qui s’en trouve réérotisé. Plein et dense. Vivant.
La caresse se fait mode d’être au monde, à réhabiliter même en dehors des jeux de l’amour. Mais, tout de même, il y a encore une fois (c’est ce qui m’avait bouleversée dans Les Murmures de l’amour) une manière de voir et de dire l’amour comme communion et comme ce qui est le plus sacré au monde, avec des accents du Cantique des cantiques (dont je vous livrerai ma propre réinterprétation en décembre pour le premier anniversaire de l’Escale Amoureuse), une manière d’exprimer le vertige du désir qui m’a parfois mise au bord des larmes. Non, il n’y a pas d’autre mot que sublime, que ce soit pour qualifier le propos lui-même, que pour dire la langue, précise, poétique, parfaitement ciselée, comme un bijou enchâssant, ici et là, quelques mots rares et précis.
Rien qu’écrire cet article m’a bouleversée tant ce texte lumineux et rare a fait écho en moi. Je ne peux que vous inviter à vous plonger dans l’expérience extatique que constitue cette lecture. Et à l’offrir. Quant à moi, je ne crois pas que j’attendrai très longtemps pour relire François Solesmes…
Eloge de la caresse (lien affilié)
François SOLESMES
Phébus, 1989 (Libretto, 2006)









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