Quand donc est-on chez soi ?
On dirait que je rentre chez moi, mais ce n’est pas chez moi. Peut-être parce que je n’ai pas de chez-moi. Ou, plus exactement, parce que c’est quand je ne suis pas chez moi que j’ai le plus le sentiment d’être chez moi, quelque part comme chez moi. Quand donc est-on chez moi ?
La question de la place, du lieu (pas nécessairement géographique, mais géographique aussi) où on est chez soi, est une de mes obsessions du moment, pour ne pas dire de toute ma vie. Ce sera d’ailleurs l’objet de la prochaine Escale Poétique : n’hésitez-pas à vous abonner pour la recevoir. Cette question était au cœur de l’essai de Claire Marin, Etre à sa place, qui a beaucoup nourri ma réflexion, et dont j’ai tiré des références à explorer, parmi lesquelles cet essai de Barbara Cassin, La Nostalgie, qu’elle cite à plusieurs reprises.
Partant d’une expérience personnelle, celle du sentiment de nostalgie propre au retour chez soi qu’elle éprouve lorsqu’elle arrive en Corse, alors même qu’elle n’y a aucun ancêtre, qu’elle n’y est pas née et n’y a jamais vécu, la philosophe explore ce sentiment à travers trois figures : deux figures mythologiques, Ulysse et son impossible retour à Ithaque, Enée et le fait de trouver son chez-soi dans l’exil, et une figure historique, Hannah Arendt, dont la patrie est la langue.
Un essai très intéressant, et qui m’a permis un riche travail d’introspection, même s’il m’a souvent perdue, notamment la dernière partie, très philologique.
L’introduction notamment m’a beaucoup parlé, avec cette question du mal du pays (qui est bien l’origine de l’idée de nostalgie) et du désir d’ailleurs, moi qui ai souvent ce sentiment de n’être chez moi que là où je n’y suis pas (en voyage notamment), comme si j’étais en perpétuel exil, et qui vis avec la nostalgie d’un lieu que je ne connais pas et dont je sais pourtant qu’il est chez moi, qu’il est mon Ithaque : mon retour chez moi n’est donc pas comme celui d’Ulysse, dont le retour est par ailleurs impossible (ce que ne raconte pas l’Odyssée : dès le lendemain de son retour, Ulysse doit repartir pour trouver un endroit où on ne connaît pas la mer), mais comme celui d’Enée, qui doit s’exiler et voyager pour pouvoir retrouver ses vraies racines en Italie. Et d’ailleurs l’Italie fonctionne un peu de la même manière pour moi : je m’y sens chez moi, y compris dans la langue, même si ce n’est pas la mienne.
Finalement, quand est-on chez soi ? Ce n’est pas une affaire de sol : c’est là où l’on est accueilli, hospité. Home is where the heart is.
Un très bel essai, très profond, qui pose de belle questions. Il est parfois un peu complexe, mais cela vaut la peine !
La Nostalgie. Quand donc est-on chez soi ? (lien affilié)
Barbara CASSIN
Autrement, 2013 (Fayard/Pluriel, 2015)









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