Ils voulaient me vaincre. Parce que je n’agissais pas conformément à la volonté de mon père, parce que je refusais de vivre comme les autres femmes de notre village, que je m’agitais et me mettais dans des colères noires dès que mon père me parlait de mariage, mes parents étaient convaincus qu’un esprit malveillant s’était emparé de mon corps. Je n’étais plus responsable de mes actes. Je ne me contrôlais plus. Voilà ce qu’ils disaient. C’était peut-être vrai. Mais je continuais à refuser d’être de nouveau mariée et je rejetais les prétendants que mon père me présentait.
J’ai beaucoup d’intérêt pour la figure de Marie-Madeleine, en tout cas certaines de ses versions, et je sais qu’un jour j’écrirai sur elle. Et comme je me suis prise de passion pour cette collection mythologique, « Autobiographie d’un mythe », des ateliers Henry Dougier, et qu’un des volumes est consacré à Marie-Madeleine, j’ai bien évidemment eu envie de le lire…
Parce qu’elle refuse de se remarier après avoir été répudiée par son premier époux pour cause de stérilité, et d’obéir à son père, on croit Marie de Magdala possédée par des démons, et on la traite même de prostituée. Guérie de ces démons, elle décide de suivre sur les routes celui que tout le monde appelle le Nazaréen, et considère comme un prophète, et devient sa plus proche disciple.
Marie-Madeleine est bien évidemment un personnage complexe, sur lequel on sait très peu de choses, et commet beaucoup d’erreurs. Notamment, on la confond souvent avec Marie de Béthanie, et la femme pêcheresse, car ce fut à un moment le but de l’Eglise et notamment du pape Grégoire le Grand de fusionner ces trois figures féminines (sans doute parce que sinon, cela faisait un peu trop de femmes) : il s’agit donc d’une figure féminine sur laquelle l’imaginaire peut se projeter, et combler les silences. Et, pour tout dire, je n’ai pas été du tout convaincue par la manière dont le fait ce texte, et les choix opérés.
Certes, l’autrice fait quelques références aux Evangiles apocryphes, mais, pour l’essentiel, elle s’en tient au canon, et donc, selon moi, à une version édulcorée de la relation entre Jésus et Marie-Madeleine, dont elle fait une relation d’âmes-soeurs mais purement platonique. L’argument est que les évangélistes ne sont pas misogynes, qu’ils n’ont pas cherché à effacer le rôle des femmes, sinon ils auraient caché le fait que Marie-Madeleine est la première à voir le Christ ressuscité. Or, qu’ils n’aient pas menti sur tout me semble insuffisant pour conclure qu’ils n’ont menti sur rien.
Et un passage, en particulier, sème le doute dans mon esprit et celui de beaucoup, celui du Hieros Gamos. Il s’agit de la scène dans laquelle une femme répand de l’huile parfumée sur le Christ. Or, cette onction fait partie du rituel du mariage sacré dans certaines traditions païennes du culte de la Grande Déesse. Le problème, c’est que l’épisode en question n’est pas du tout raconté de la même manière chez les quatre évangélistes (et pas raconté du tout dans ce volume, puisque pour l’autrice il ne s’agit pas de Marie-Madeleine), et on peut se demander pourquoi, s’ils disent la vérité ?
Dans l’Evangile de Jean, cette femme est nommée : il s’agit de Marie, la sœur de Lazare et de Marthe ; chez les trois autres, c’est « une femme », « une pêcheresse » ; on peut s’interroger : si cette femme est connue, pourquoi ne pas la nommer ? A mon avis, ils ont tous les quatre compris la portée symbolique de l’épisode, et pour des raisons évidentes ont choisi de le dépaganiser et de le travestir, mais pas de la même manière. Et en tout cas, il y a un mystère. Je n’irai pas plus loin, sinon je vais me lancer dans de grands développements et cet article va faire dix mille mots.
Bref : l’idée de ce texte était de mettre en évidence sinon le féminisme du Christ, tout au moins une attitude égalitaire, et selon moi, le choix de rester fidèle au canon ne permet pas d’atteindre ce but. En revanche, comme avec les autres titres de cette collection, je me suis régalée avec les tableaux reproduits.
Moi, Marie-Madeleine (lien affilié)
Maureen DEMIDOFF
Ateliers Henry Dougier, Autobiographie d’un mythe, 2024









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