Cela faisait une éternité que je n’étais pas allée voir une exposition à Paris, et c’est d’ailleurs la seule que j’ai visitée lors de mon week-end parisien de la semaine dernière, alors que j’en avais toute une liste. L’événement était donc tellement exceptionnel que j’ai croisé Jack Lang sur le parvis de l’Institut du Monde Arabe (lieu où il n’est pas non plus incroyable de le voir, mais tout de même). Bref : le fait est que Cléopâtre est une figure féminine qui me fascine pour beaucoup de raisons, et que, comme je l’avais indiqué lorsque j’étais allée visiter l’exposition Le Mythe de Cléopâtre à la pinacothèque il y a dix ans, j’ai même pensé lui consacrer ma thèse.
Sur le papier, le sujet de l’exposition n’a rien d’original, et je ne vois d’ailleurs pas comment il pourrait l’être : il s’agit de montrer le passage de l’histoire à la légende, puis au mythe, puis la manière dont Cléopâtre est devenue une icône. Cela aurait pu m’arrêter, mais les expositions de l’Institut du Monde Arabe jouissent habituellement de scénographies exceptionnelles doublées de matériaux rares, et je voulais donc voir ça. Et j’ai eu raison, car j’ai même appris des choses.
Nous somme accueillis dans l’exposition par une sublime statue se reflétant dans des miroirs : le ton est donné. Le premier étage, comme on s’y attend, est consacré à l’histoire et à l’archéologie : ce que l’on sait de Cléopâtre et de l’Egypte Ptolémaïque, la vie quotidienne et les cultes. J’ai particulièrement été fascinée, cela va de soi, par les bijoux (qui ne sont pas ceux de Cléopâtre mais figurent souvent des serpents, élément récurrent du mythe) et les statues, notamment d’Isis.











Le deuxième étage est consacré à la construction de l’image de Cléopâtre dans l’inconscient collectif, en commençant par le riche matériau littéraire qui dès le départ, n’est pas uniforme : d’un côté on a la légende noire, celle des auteurs latins et qui se fond dans la propagande augustéenne viriliste, et qui fait de Cléopâtre, n’y allons pas par quatre chemins, une prostituée, mais ce qu’on sait moins, c’est qu’il y a aussi une légende dorée, celle des auteurs arabes, qui font de Cléopâtre une grande reine, sage et cultivée. Evidemment, on retient, en Occident du moins, surtout le premier versant, et notamment la thématique de la mort de Cléopâtre avec son fameux serpent. Rappelons que le serpent, à l’origine, est un animal consacré à la Divinité féminine, et que c’est pour cette raison qu’il en est venu à incarner le mal. Bref : grande fortune picturale de cette thématique, qui est explorée dans la salle suivante. Peu d’œuvres majeures, mais quelques unes assez enthousiasmantes.
Au fil de l’histoire, la valeur de Cléopâtre s’inverse : de repoussoir, elle devient un véritable mythe féminin, que l’on retrouve évidemment au cinéma, et une partie de l’exposition est consacrée à cet aspect avec notamment un petit film montrant toutes ses incarnations (celui qui a monté le film a visiblement une préférence pour Monica Bellucci et m’a donné envie de revoir Astérix et Cléopâtre, mais aussi le fabuleux Cléopâtre où la reine est incarnée par Elizabeth Taylor). La figure de Cléopâtre est aussi une reine du marketing, servant à faire vendre à peu près tout et n’importe quoi.
La dernière partie de l’exposition est consacrée à la manière dont Cléopâtre est aujourd’hui une icône féministe, et la manière dont les artistes s’en emparent. Certaines de ces œuvres sont d’ailleurs disséminées dans le reste de l’exposition, dont un bizarre mur avec des nez de toutes les formes dont j’ai eu du mal à percevoir l’idée, mais, admettons.







J’ai donc beaucoup apprécié cette exposition, à la fois esthétiquement réussie (c’est vraiment un régal pour les yeux), d’une grande richesse et très instructive. J’y suis allée très peu de temps après son ouverture et il n’y avait pas trop de monde, ce qui est toujours appréciable. Je vous la conseille donc vivement !
Le Mystère Cléopâtre
Institut du Monde Arable
Jusqu’au 11 janvier 2026









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