Le Bureau des chagrins d’amour, de Rica Etienne

Apprendre des autres

Dans la vie, il y avait ceux qui parlaient d’eux-mêmes sans trop prêter attention aux autres et ceux qui apprenaient des autres pour éclairer leurs propres incertitudes. Juliette appartenait à la deuxième catégorie.

J’ai choisi ce roman complètement par hasard, ne connaissant ni l’auteur ni même l’éditeur, mais attirée par le titre (on ne s’en étonnera pas, du reste) et le résumé.

Nous sommes à Versailles, où Juliette exerce une étrange activité : celle d‘accompagnatrice en chagrins d’amour. Dans son bureau se succèdent les être meurtris, qui lui racontent leur histoire. Juliette n’est pas psy, mais son ex-mari, dont elle est restée très proche, l’est, et on ne peut que se demander comment cette jeune femme, qui tenait une bibliothèque qu’elle avait appelée « le Boudoir », en est arrivée là.

Pour le comprendre, nous allons devoir nous replonger avec elle dans son passé, quelques mois auparavant.

Chagrins d’amour

Voilà un bien beau roman, très touchant et vraiment très original. J’avoue m’être un peu perdue au départ dans la chronologie, avec l’alternance passé présent, mais cette alternance à vraiment une raison d’être, et lorsqu’on la comprend, tout cela est bouleversant.

Alors je ne cacherai pas que ce roman a quelques défauts, il n’est pas exempt de maladresses, mais dans l’ensemble, il est plein d’humour et de poésie, à la fois frais, pétillant et fort triste.

Tout l’intérêt est dans les multiples histoires d’amour qui se succèdent et la galerie des personnages et de situations dans lesquelles le lecteur va pouvoir se retrouver… toutes ces histoires parlent des risques de l’amour et des névroses qui nous attachent à un autre être.

C’est parfois assez orienté « psy », et d’ailleurs l’auteur a publié plusieurs ouvrages avec Sylvain Mimoun avant de se lancer dans le roman, mais ça reste léger et pas du tout ennuyeux : au contraire, la fiction se met ici au service de la réflexion, et ce livre permet de comprendre pas mal de choses.

Le Bureau des chagrins d’amour (lien affilié)
Rica ETIENNE
Prisma, 2011

 

Je l’aimais, d’Anna Gavalda

La complexité des relations amoureuses

Je crois que j’étais assez heureux à cette époque de ma vie parce que même si je n’étais pas avec elle, je savais qu’elle existait. C’était déjà inespéré.

D’Anna Gavalda, je n’avais lu jusqu’à récemment que son recueil de nouvelles Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, qui était déjà tout un programme en ce qui concerne la complexité des relations amoureuses. Mais je me souviens qu’il y a environ deux ans, quelqu’un m’avait conseillé ce petit roman. Prise par le temps et d’autres préoccupations, j’avais oublié. Et puis l’autre jour, par hasard, je suis retombée dessus, et par un pluvieux dimanche après-midi empreint de mélancolie, bien calée dans mes coussins, je l’ai dévoré.

Chloé vient d’être abandonnée par son mari. Pierre, son beau-père, l’emmène dans sa maison de campagne, à l’écart des bruits du monde. Et là, cet homme secret et austère, qui ne se livre jamais, va lui raconter le grand amour de sa vie. Pas son histoire avec Christine, son épouse, mais avec Mathilde, qu’il a pourtant laissé partir, par lâcheté, par peur de bouleverser sa vie, alors que pourtant il l’aimait plus que tout.

Passer à côté de l’amour ?

Je dois dire que ce roman m’a beaucoup touchée et rendue un peu triste, parce qu’il est finalement assez pessimiste : même quand on rencontre l’Amour, le vrai, celui qui  bouleverse jusqu’au fond de l’âme, il est possible de passer à côté et de gâcher sa chance d’être heureux par peur d’être malheureux, par peur du changement, par peur de l’échec.

En tout cas, Gavalda possède une manière bien à elle de parler de l’amour. Ses phrases sonnent juste et j’avais souvent l’impression qu’elle arrivait à mettre des mots sur ce que je ressentais confusément sans arriver à l’exprimer clairement. La citation que j’ai mise en exergue de cet article est sans doute celle qui m’a le plus bouleversée pour cette raison.

Je n’ai pas encore vue l’adaptation cinématographique de Zabou Breitman, mais je pense que je ne vais pas tarder à le faire car la bande annonce est prometteuse.

Je l’aimais (lien affilié)
Anna GAVALDA
J’ai Lu, 2003