Les Écrivains et leur monde, de Charles Dantzig

Littérature. Ô capitale de mon monde. Présente, inutile et indispensable. Je dédie ce volume à un petit garçon qui lisait en classe, un livre de poche coincé entre le pupitre et ses genoux ; qui, dans le couvre-livre qu’on lui avait offert pour sa première communion, avait remplacé le misse par Le Rouge et le Noir ; qui lisait à vélo en se rendant à l’école ; qui, la nuit, sous la couverture, appliquait les électrodes sur les bonnes réponses de son jeu de société afin que l’ampoule s’allume et qu’il puisse lire sous la tente du drap ; cet enfant, qui, enfin, trouvait lire plus intéressant que vivre, et qui a transformé les deux en écrire.

J’ai une passion pour la collection Bouquins des éditions Robert Laffont, qui propose des ouvrages d’une grande richesse pour les amoureux de la littérature, notamment des ouvrages de référence et des dictionnaires ; d’ailleurs, dans ma précédente vie d’universitaire, j’ai eu la chance de collaborer à l’un d’eux ( l’article « Orient de Gustave Moreau » dans le Dictionnaire des lieux et pays mythiques – lien affilié).

Quant à Charles Dantzig, mon intérêt pour lui est récent, mais j’avais très envie de découvrir ce qu’il avait à dire sur la littérature. Evidemment, c’est un pavé (presque 1000 pages) et pas quelque chose qu’on lit comme ça de bout en bout. Au contraire, j’ai passé plusieurs semaines à y grapiller chaque jour quelques pages qui m’ont illuminée.

Cet ouvrage, dont le thème général est la littérature, rassemble trois textes distincts. Le premier, Ma République idéaleinédit, réfléchit à la question de l’auteur et de la littérature aujourd’hui. Le deuxième, La Guerre du cliché (1998), est constitué d’un dialogue argumentatif entre l’auteur et un de ses amis peintre sur les poncifs et autres lieux communs. Enfin, l’essentiel est constitué du Dictionnaire égoïste de la littérature française (2005), dans lequel l’auteur nous offre un panorama personnel de la littérature.

L’intérêt ici, bien évidemment, est ce point de vue subjectif adopté par Dantzig : celui d’un écrivain, qui a foi en la littérature pour nous sauver de la barbarie, et pour qui elle constitue à la fois une religion et une patrie.

On a envie de tout noter tant c’est beau et percutant, tant ça parle à l’âme de tous les amoureux des lettres (même si on peut à l’occasion ne pas être d’accord avec l’auteur), tant cela oblige à réfléchir sur ce qui d’habitude paraît aller de soi.

Une bouffée d’air frais, un rayon de lumière et d’intelligence dans la grisaille ambiante : un petit peu par jour, c’est la perspective de longues semaines de bonheur !

A déposer sous le sapin de ceux qui ont foi en la littérature !

Les Écrivains et leur monde (lien affilié)
Charles DANTZIG
Robert Laffont, Bouquins, 2016

Histoire de l’amour et de la haine, de Charles Dantzig

La première forme d’imagination, c’est la masturbation. Pour se masturber, on convoque des images qu’on trie très vite. C’est rudimentaire, et le maximum où atteindront bien des humains.

Un roman dont on a finalement assez peu parlé dans cette rentrée littéraire, et c’est un peu dommage car il aborde un sujet essentiel : l’amour et la haine. Comment certains en sont venus à haïr l’amour et à manifester contre. Ambitieux.

Histoire de l’amour et de la haine est un roman choral, dans lequel on suit sept personnages : Ferdinand, un étudiant en lettres pour qui la littérature sert de rempart contre les idées nauséabondes de son père, député de droite et fer de lance du mouvement contre le mariage pour tous, et qui est amoureux de son ami Jules ; Pierre, un écrivain qui n’a rien écrit depuis sept ans ; Ginevra, la femme qu’il vient de rencontrer ; Armand et Aaron, qui incarnent une sorte de couple parfait ; Anne, qui peine a trouver l’amour.

Roman sur le désir et sa circulation, très charnel et sensuelHistoire de l’amour et de la haine peut déconcerter de prime abord, de par sa construction narrative originale qui tient un peu de l’encyclopédie, émaillée de réflexions philosophiques, d’extrait de textes, et d’images.

L’histoire se déroule entre les premières manifestations et les dernières après le vote de la loi, mais sur un mode plus méditatif que narratif, faisant s’affronter Eros et Thanatos, opposant la pureté de l’amour sous toutes ses formes à la haine et à la vulgarité incarnées par un député Furnesse ridicule dans son aveuglement.

Beau, poétique, lumineux, ce roman tient beaucoup des Fragments d’un discours amoureux dans son utilisation du gnomique et des généralisations pour dire le sentiment amoureux.

Engagé bien sûr, ce roman mérite amplement qu’on s’y intéresse, car il aborde une question d’importance.

Histoire de l’amour et de la haine (lien affilié)
Charles DANTZIG
Grasset, 2015