Odes, Elégies, Hymnes de Friedrich Hölderlin : habiter poétiquement le monde

Et l’un toujours d’entre les génies propices
Habite sa demeure pour le bénir, et même
Si toutes contre nous faisaient rage leurs
Forces sans âme, l’Amour est là qui aime.

Hölderlin, pour moi, c’est celui qui « habite poétiquement le monde« , expression que je reprends allègrement à mon compte et dont j’ai fait ma devise. Ce qu’il dit exactement d’ailleurs, c’est : « Riche en mérites, mais poétiquement toujours, / Sur terre habite l’homme« . Pour autant, je ne m’étais jamais intéressée plus avant à ce poète particulier et à ses œuvres, et je ne sais pas pourquoi, l’autre jour, j’ai eu envie de m’y plonger.

Bien sûr, il est impossible de « résumer » un recueil de poèmes. Dans ce volume que j’ai choisi sont rassemblés ses Odes, ses élégies et ses hymnes. Des poèmes souvent empreints de mythologie, et marqués par un lyrisme profond.

Et je ne sais pas bien quoi en dire, car comme l’ensemble est assez hétérogène et divers, j’ai été diversement touchée, et parfois perdue : ce n’est pas une poésie simple, et je pense de toute façon que la poésie perd à la traduction (et l’allemand n’est pas une langue que je pratique). Néanmoins, ça et là, j’ai été émerveillée par certains vers, certaines strophes. Notamment celle que j’ai mise en exergue.

Rien que pour ce petit bout de vers, « L’Amour est là qui aime », cette lecture valait la peine !

Odes, Elégies, Hymnes (lien affilié)
Friedrich Hölderlin
Traductions de Michel Deguy, André du Bouchet, François Fédier, Philippe Jaccottet, Gustave Roud et Robert Rovini
Gallimard, poésie, 1993

Rempli de sons dorés

Je ne sais pas trop pourquoi, je ne vais pas trop vers la poésie allemande, alors qu’elle regorge littéralement de merveilles. Hölderlin en particulier, qui est l’auteur de cette expression que j’ai reprise à mon compte et qui, je crois, me définit parfaitement : habiter poétiquement le monde — ce qui n’est d’ailleurs pas tous les jours facile.

Bref, je ne lis que peu la poésie allemande (et la littérature allemande dans son ensemble). Or en ce moment, dans mes lectures actives du matin, je suis à nouveau plongée dans Jung, et plus précisément dans Métamorphoses de l’âme et ses symboles. Ce que j’aime chez Jung, c’est la diversité (et l’immensité) de ses références culturelles.

Et voilà qu’au détour d’une page, je tombe sur ces vers d’Hölderlin et sur cette image des « sons dorés » qui m’a, littéralement, émerveillée : il s’agit d’une synesthésie, et j’aime infiniment cette figure, et ici elle atteint une dimension incroyable : même si les étoiles sont perçues par leur lumière, on parle souvent de la musique des sphères et de leur harmonie et… quoi de plus poétique, avec la référence au soleil et à Apollon ?

Où es-tu ? Mon âme s’éveille ivre
De toute ta volupté ; cependant je viens
d’entendre, comme rempli de sons dorés,
Le ravissant éphèbe solaire
Jouer son chant du soir sur une lyre céleste ;
Et tout autour retentissent forêts et collines.