Homo deus, une brève histoire du futur de Yuval Noah Harari : la fin de l’humanité ?

Au fil des millénaires, l’histoire a été riche en bouleversements techniques, économiques, sociaux et politiques. La seule constante a été l’humanité elle-même. Nos outils et institutions sont très différents de ceux des temps bibliques, mais les structures profondes de l’esprit humain restent les mêmes. C’est bien pourquoi nous pouvons encore nous reconnaître dans les pages de la Bible, dans les écrits de Confucius ou dans les tragédies de Sophocle et d’Euripide. Ces classiques sont l’oeuvre d’hommes exactement pareils à nous, d’où notre sentiment qu’ils parlent de nous. Dans le théâtre moderne, Oedipe, Hamlet et Othello peuvent bien porter des jeans et des T-shirts et avoir des comptes Facebook, leurs dilemmes sont les mêmes que dans la pièces originale.

L’autre jour en finissant de lire Le matin des magiciensje me suis souvenu qu’après ma lecture de Sapiensj’avais acheté Homo Deus et qui m’attendait toujours quelque part. Il y a un lien, puisqu’à la fin de son essai Pauwels imagine une nouvelle humanité qui exploiterait pleinement son potentiel de conscience, et que Harari réfléchit aussi au (possible) futur de l’humanité. Je me suis donc lancée dans cette lecture.

Le point de départ de cet essai est le constat que, bon an mal an, les choses ne vont pas si mal que ça sur bien des points, et qu’on ne meurt plus que peu (à l’échelle globale) de la guerre, des épidémies ou de la famine : même si ces problèmes ne sont pas totalement réglés bien sûr, le fait est qu’aujourd’hui on meurt plus de maladies liées à la sur-alimentation et de suicide. Partant de là, Harari s’interroge sur les futurs défis de l’humanité : le défi écologique bien sûr, mais surtout le défi ontologique qui consistera à triompher de la vieillesse et de la mort et de promettre le bonheur à tous. Ce sera faire de l’homme une divinité, homo deus, qui prendra la place d’homo sapiens. C’est en tout cas le plus probable compte tenu du présent, mais cela pourrait bien mener à une destruction pure et simple de l’être humain. Harari se penche donc d’abord sur ce qu’est l’être humain et sa place dans le monde ; ensuite, il s’interroge sur la manière dont il façonne ce monde, et la religion de l’humanisme ; enfin, il envisage comment il pourrait bien perdre le contrôle.

Un essai qui s’avère absolument passionnant sur bien des points : ses analyses sur la fiction (au sens large) et les liens intersubjectifs, l’opposition entre religion et spiritualité (La quête s’ouvre par une grande question du style : qui suis-je ? Quel est le sens de la vie ? Qu’est-ce qui est bien ? Alors que la plupart des gens se contentent d’accepter les réponses toutes faites des pouvoirs en place (la religion au sens large, NDLR), les personnes en quête de spiritualité ne sont pas aussi facilement satisfaites. Elles sont décidées à suivre la grande question où qu’elle les mène, et pas simplement aux endroits qu’elles connaissent bien ou souhaitent visiter : cette opposition n’est pas nouvelle, mais je trouve que c’est très clairement exprimé), l’humanisme, les différents états de conscience.

Le problème, outre que l’ensemble est assez déprimant, surtout la fin qui donne envie d’aller vivre sur une île déserte tant cela ressemble à une dystopie à la Black Mirrorc’est que je trouve qu’Harari reste trop souvent prisonnier du dualisme et du biais de confirmation scientifique « si l’existence de quelque chose n’est pas prouvée, ça n’existe pas » : du coup, je me suis souvent retrouvée en désaccord « philosophique » avec certains de ses présupposés, qui ne sont finalement que des pétitions de principe. Selon moi par exemple, l’homme a bien une conscience individuelle, et il ne se résume pas à un algorithme ; d’autant que les algorithme, il faut arrêter d’en faire une nouvelle religion : l’idée est que finalement ils nous connaissent mieux que nous même et, à terme, feront les choix à notre place. Alors d’abord c’est loin d’être au point : l’autre jour je suis allée voir ce que l’algorithme d’Instagram estimait être mes centres d’intérêt, je crois que j’ai eu le plus gros fou-rire de ma semaine : entre les vêtements pour aller à la pêche, des célébrités dont je n’avais jamais entendu parler et le hockey sur glace, on était loin d’être dans la justesse. En outre, ne vous moquez pas mais je suis sûre que quelque chose échappera toujours aux algorithmes : l’amour ; les algorithmes pourront nous dire quelle personne est la mieux pour nous (c’est ce que font les applications de rencontre), mais certainement pas celle dont on tombera amoureux. Et c’est ce qui nous sauvera !

Bref, une réflexion sur l’humain qui, malgré mes désaccords, m’a profondément intéressée, notamment parce qu’il propose beaucoup de pistes de réflexion !

Homo deus. Une brève histoire du futur
Yuval Noah HARARI
Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat
Albin Michel, 2017

 

Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari : Il était une fois l’Homme

Trois révolutions importantes infléchirent le cours de l’histoire. La Révolution cognitive donna le coup d’envoi à l’histoire voici quelque 70000 ans. La Révolution agricole l’accéléra voici environ 12000 ans. La Révolution scientifique, engagée voici seulement 500 ans, pourrait bien mettre fin à l’histoire et amorcer quelque chose d’entièrement différent. Ce livre raconte comment ces trois révolutions ont affecté les êtres humains et les organismes qui les accompagnent. 

Lorsque j’étais petite, j’étais totalement fan du dessin animé mythique Il était une fois l’HommeUn peu moins de son pendant biologique Il était une fois la viemême si je garde un souvenir très vif de certains épisodes (comme tous les gens de ma génération, me suis-je laissé dire) (je signale au passage que les deux séries sont désormais en accès libre et légal sur youtube, je vous ai mis les liens), même si j’aimais bien aussi. C’est cette histoire formidable et étonnante que nous raconte Yuval Noah Harari, dans son best-seller sorti en 2015 (je sais, j’ai plusieurs trains de retard).

Comment cet animal insignifiant parmi les autres qu’était l’Homme à son apparition il y a quelques 2,5 millions d’années est-il devenu cette espèce particulière capable de marcher sur la lune et d’écrire des livres ?

C’est évidemment passionnant, à la fois très instructif et pédagogique, et les 500 pages se lisent presque d’une traite : c’est un essai, de vulgarisation, mais c’est aussi un roman, qui nous raconte la formidable aventure de l’humanité de son apparition à nos jours. Harari remet beaucoup de choses en perspectives et ses analyses, qui tiennent toujours compte des différentes théories en présence (puisque sur certains faits on ne peut qu’émettre des hypothèses) ouvrent nombre de pistes de réflexions, et nous montrent que beaucoup de choses qui pour nous vont de soi ne vont pas de soi du tout. De la même manière, il va à l’encontre de nombre d’idées reçues, comme par exemple celle qui voudrait que l’homme primitif vivait en harmonie avec la nature : même si de fait il en avait une connaissance plus intime nécessaire à sa survie, il est probable que dès son apparition l’être humain a été un désastre écologique.

En tout cas, j’ai appris beaucoup de choses en lisant cet essai, et j’ai particulièrement été intéressée par tout ce qui touche aux religions et aux mythes partagés. Bien sûr, une telle volonté de vulgarisation, rendre accessible cette connaissance à tous, ne va pas sans simplifications et du coup certains concepts ne sont pas tout à fait exacts, certains parti-pris m’ont paru un peu trop « terre à terre », mais l’essentiel est qu’on ressort de cette lecture plus au fait de l’histoire de l’humanité, grandi, et qu’on se pose nombre de question sur nos cultures et notre avenir !

A lire absolument si ce n’est déjà fait !

Sapiens. Une brève histoire de l’humanité
Yuval Noah HARARI
Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat
Albin Michel, 2015