Le fil de soi

Plonger dans le passé

Ces derniers temps, je me suis plongée, pour ne pas dire ensevelie, dans les archives du blog. Près de 14 ans, 4000 articles, cela en fait, du monde.

A l’origine, mon but était purement technique : correction des liens qui renvoyaient à l’ancien nom de domaine (pour le moment ils sont redirigés, mais je n’ai pas l’intention de continuer à payer éternellement pour un domaine que je n’utilise plus) et SEO.

Chemin faisant, et suite à un rêve dans lequel je déménageais mais n’emportais pas avec moi toutes mes affaires, je me suis dit que je pourrais aussi en profiter pour élaguer, et supprimer non seulement les articles qui n’avaient plus d’actualité, mas aussi tous ceux qui ne vibraient plus et n’étaient plus alignés.

A l’origine, je n’étais pas supposée relire chaque article, et c’est pourtant bien ce que je fais.

Et si je m’imaginais ce travail comme fastidieux bien que nécessaire, il s’avère que je trouve au contraire cette plongée dans mes archives passionnante. Un peu comme relire mon journal.

Evolution et construction de soi

Mon blog a évolué avec moi. Au départ, il était plutôt orienté lecture et culture, même si je me suis toujours autorisée à parler de beaucoup d’autres sujets : j’ai horreur de m’enfermer dans une case.

L’évolution dans la direction d’un blog plus personnel et plus lifestyle s’est faite petit à petit, sans que j’en prenne clairement conscience. Ce travail dans les archives rend cette évolution beaucoup plus évidente, les cycles plus visibles.

Ce qui m’apparaît, c’est la manière dont je me suis construite au cours de ces quatorze années.

Il y a eu beaucoup d’errance : je vois bien, notamment, comment à certaines époques je me suis forcée à lire des livres qui ne m’intéressaient pas tellement, qui n’avaient rien à faire là, simplement pour diversifier un peu mon contenu, ou pour faire plaisir, ou parce qu’on en parlait partout. Et dont je n’ai plus aucun souvenir. Je supprime.

Je ne suis plus d’accord avec moi-même sur d’autres sujets. Parce qu’au cours de ces quatorze ans, il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie qui ont façonné ma vision du monde. Parfois je laisse, comme une trace, parfois je supprime.

Des textes, des traces d’un amour dont je pensais qu’il serait le dernier.

Le fil rouge de la ligne éditoriale

Et au milieu de tout ce fatras qui ne me correspond plus et qui, souvent, ne m’a jamais correspondu, se trouve le fil rouge de ce que je suis et ai toujours été, même si je ne le voyais pas. Ce dont j’ai toujours parlé, sur quoi j’ai écrit tous les jours parce que c’est ce qui m’importe.

En septembre, j’avais suivi un des ateliers de Géraldine Dormoy sur les images pour affirmer son identité sur Instagram. Et l’évidence était que pour affirmer son identité, il fallait la trouver, et elle nous avait donc invitées à réfléchir à nos piliers de contenu : de quoi on a envie de parler, ce que l’on veut offrir aux autres, ce qui fait notre originalité et notre singularité.

A faire ce travail d’archiviste m’apparaît d’autant plus clairement cette ligne directrice et c’est, justement, cette recherche de moi, ce cheminement intérieur : les livres, les voyages, les expositions qui m’ont construite, la recherche de l’émerveillement dans la vie quotidienne, la féminité qui est mon sujet depuis toujours, la créativité et ma vie d’autrice.

A une époque (au début : après les lecteurs s’y sont faits, ou bien sont partis) on m’a reproché de ne pas avoir de ligne éditoriale, qu’on ne savait jamais de quoi j’allais parler et si certains trouvaient cela exaltant, comme la boîte de chocolat de Forrest Gump, cela en déconcertait beaucoup d’autres.

Et bien, si : ma ligne éditoriale, c’est moi, le « Elle » de Cultur’elle même si le site ne s’appelle plus comme ça car c’était trop restrictif et qu’encore une fois, je n’ai plus envie de m’enfermer dans des cases.

Moi et mes deux mots, mes deux valeurs essentielles : l’amour, et la beauté. Car c’est de ça que je parle depuis le début.

Elaguer, supprimer, c’est faire le voyage d‘Ishtar/Inanna qui descend aux Enfers et, à chaque porte, se défait d’une couche de ce qui n’était pas, essentiellement, elle.

Voyage vers soi : Inanna

Lorsque j’avais commandé ma voiture fin 2016, pour la recevoir début 2017, je ne savais pas encore tous les changements qui allaient s’opérer, durant cette année-là. D’ailleurs, quand je l’avais commandé, je ne savais pas du tout, parce que ce n’était pas un projet, que j’allais aussi déménager. Quant au reste, qui s’est passé en fin d’année, si on me l’avait dit, j’aurais bien rigolé.

Mais revenons à la voiture. J’ai choisi un modèle très chic, très élégant, une Déesse que j’ai appelée Inanna. Et c’est là que ça devient intéressant, symboliquement parlant. Il n’y avait aucune raison que j’appelle cette voiture du nom d’une déesse sumérienne, certes déesse de l’amour, de la beauté, du désir sexuel, de la fertilité, du savoir, de la sagesse et de la guerre, mais que je connaissais peu, contrairement à Vénus, Aphrodite ou Isis, par exemple.

Mais je crois que mon inconscient, lui, savait et c’est lui qui m’a soufflé ce nom : c’est la force des archétypes et de l’inconscient collectif. De fait, je travaille beaucoup sur Jung en ce moment, et je me suis rendu compte que tout ce que je faisais depuis ce temps, depuis qu’Uranus est entré en opposition avec lui-même, ce qui correspond à la crise de la quarantaine, n’était autre qu’un travail d’individuation, un voyage vers soi.

Et Inanna, donc ? Elle n’est pas seulement déesse de l’amour, de la beauté, du désir sexuel, de la fertilité, du savoir, de la sagesse et de la guerre. Elle a une histoire très intéressante. Lors d’un épisode, elle doit rendre visite à sa sœur, déesse des Enfers. Et, pour pouvoir entrer, elle doit se défaire, tour à tour, de tous ses bijoux, parures, se montrer entièrement nue et vulnérable, afin de mourir puis de renaître. Autrement, plus complète, harmonisée.

Symboliquement, la voiture représente le corps physique et le mouvement, notre évolution dans la vie et la façon dont nous nous conduisons dans le monde. La force du désir. Tout cela était plein de sens depuis le début. Il s’agissait bien d’un voyage.

Et aujourd’hui, je songe à changer de véhicule. Pas que j’ai totalement fini mon voyage vers moi, mais une étape. Et c’est bien.

Redécouvrir la joie de la coquetterie

Il se passe un truc, depuis quelque temps : j’ai à nouveau envie d’acheter des vêtements et des cosmétiques. Alors dit comme ça, évidemment, ça peut prêter à sourire, et certains vont même dire « ah bon, tu n’en achetais plus, ça ne s’est pas vu ». Et de fait. Mais revenons au point de départ.

La coquetterie, appelons ça comme ça, est à la base quelque chose d’extrêmement important pour moi. Au point que j’en avais même fait un sujet de recherches universitaires. Et même si je n’ai jamais tenu de blog mode ou beauté, mon budget dans ce domaine était toujours conséquent, et j’ai toujours aimé en parler. Et je sentais en moi une véritable joie de la « parure », et c’est pour cela que j’avais été très critique à l’égard de Beauté Fatale de Mona Chollet : elle ne voyait le soin de l’apparence que du côté de la contrainte. Alors que j’y voyais un émerveillement.

Et puis sont venus les temps plus compliqués. La crise de la quarantaine. Une période que j’identifie à la carte de la Tour dans le Tarot : tout ce qui est faux s’effondre, pour qu’on puisse se trouver soi. Et durant cette période, la parure m’intéressait moins. Alors bien sûr je partais de loin, et ce qui pour moi s’apparentait à du « laisser-aller » aurait été considéré comme déjà beaucoup trop par certaines. Mais l’important c’est que moi je voyais la différence : ce n’était plus pareil. Et je me suis dit que j’avais trouvé quelque chose de plus important. Moi. Que je n’avais plus à me battre pour prouver ma valeur, pour entrer dans le moule, être comme les autres, ce genre de choses. Que je n’avais pas besoin d’être constamment dans la séduction même si ça me plaisait, aussi.

Mais non : dernièrement je me suis surprise à avoir envie de nouveaux vêtements, de robes et de petites choses affriolantes. J’ai dernièrement fait un craquage géant en cosmétiques, après être tombée dans le vortex des youtubeuses beauté (je ne me maquillerai jamais comme elles par contre, d’abord parce que je n’y arriverai pas, et surtout parce que ça ne me va pas). Et cette joie retrouvée de la sensorialité des produits, leur texture, leur odeur, s’occuper de soi. Mais avec quelque chose en plus : la compréhension que ça fait partie de ce que je suis authentiquement.

Je vous ai déjà raconté l’histoire de la déesse Inanna (et je trouve toujours amusant d’avoir donné ce nom à ma voiture, sans savoir ce que ça augurait) : pour entrer dans le royaume des morts, elle doit se dépouiller de toutes ses parures, ses signes de puissance. Avant, bien sûr, de les retrouver. Et c’est ce que j’ai le sentiment d’avoir fait. Et aujourd’hui, je suis heureuse de retrouver une facette de moi que j’avais mise à l’arrière-plan pour nourrir autre chose, qui en avait besoin. Et j’ai aussi envie de revenir à Paris, quand ça sera redevenu simple.

Se (re)trouver

En ce moment, j’ai l’impression de franchir une étape. Ces semaines de confinement, d’arrêt, ont été décisives. Pourtant, j’étais déjà quelqu’un de plutôt introspectif, surtout ces dernières années, mais là j’ai vraiment pu me poser, réfléchir, faire les choses à mon rythme et me (re)trouver. Non qu’il y ait eu de véritable révélation ou métamorphose : ça c’était le travail d’avant, celui autour de ma crise de la quarantaine qui m’a fait prendre conscience que non seulement je vivais une vie qui n’était pas la mienne (c’est encore partiellement le cas, il faut bien remplir le frigo) mais qu’en plus je m’étais convaincue que tout allait bien. Alors je vais être honnête : j’en ai bavé des ronds de chapeau, comme on dit. A enlever toutes les couches de faux moi pour trouver le vrai moi caché dessous et l’extirper de là pour qu’il accepte de se montrer dans la lumière. Ça, c’était déjà là et le confinement m’a surtout permis, en enlevant un élément extrêmement mauvais pour moi dans ma vie, de parachever le travail. Je parle de travail au sens presque « accouchement » car c’est bien ce que j’ai l’impression d’avoir fait  : une seconde naissance par moi-même.

Et là ces derniers temps je me sens toute légère parce que je vois que les choses se mettent en place pour le mieux. En fait, je me sens légère parce que j’ai eu l’intuition de certaines choses très précises et que ces choses se sont effectivement produites donc il n’y a aucune raison que d’autres pas encore réalisées ne le fassent pas aussi. Cette phrase est très mal écrite, elle boîte, mais ce n’est pas très grave, vous voyez ce que je veux dire. Le fait est que je suis enfin vraiment moi, que j’ai confiance en moi et en ce que je suis, intègre et authentique, que je suis capable de faire des projets et non plus avoir de vagues aspirations. Hier soir d’ailleurs j’ai eu une sorte d’illumination : je tournais autour d’une idée depuis quelque temps mais sans savoir par quels bouts la prendre et en faisant des exercices de cohérence cardiaque tout est apparu clairement (je ne dirai pas par magie, mais un peu quand même) (je ne vous en dit pas plus pour l’instant mais ça a un lien avec ma reconversion) (hein hein).

Ce n’est pas la ligne d’arrivée, que non pas, la route est encore longue et pleine de découvertes et de belles expériences. Mais c’est une belle étape : en ce mois de juin, beaucoup de choses se mettent en place, comme une sorte de nouvelle page, nouveau chapitre : on continue l’histoire mais avec des éléments nouveaux. Et je suis très excitée à cette idée !