Aux petits mots les grands remèdes, de Michaël Uras

Mes yeux avaient la mauvaise habitude de chercher la bibliothèque dans toutes les habitations que je visitais. Les livres, leur disposition, leur état en disaient long sur les propriétaires. Combien d’habitations ne renfermaient aucun livre ? Aucune revue, même ? Des lieux sans lecture, coupés de l’intelligence. Ou alors, des lieux qui faisaient un usage particulier des livres : cale meuble, table de chevet (en les empilant sans jamais les ouvrir), le livre factice, à la couverture souvent horrible, au titre bien réel, Le Roman de la momie, désespérément vide de mots…

J’avais beaucoup aimé le premier roman de Michaël UrasChercher Proustet c’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que, tranquillement allongée dans mon hamac, je me suis plongée dans son nouvel opus, qui, encore une fois, rend hommage à la littérature et au pouvoir des mots.

Alex est un lecteur compulsif, qui vit sa vie à travers les livres. Il en a fait son métier : bibliothérapeute, il soigne les maux des autres grâce aux mots. Mais lui-même est très malheureux depuis que Mélanie l’a quitté…

Voilà encore un bien joli roman, drôle et spirituel, parfois un peu loufoque, qui fait un bien fou.

En jeu, la manière dont les textes font écho en nous et peuvent réparer les gens ; les patients d’Alex ont des problèmes plus ou moins graves, des failles plus ou moins profondes, et à travers ces morceaux de vie le roman, au passage, interroge la société et certains de ses dysfonctionnement, tout en nous offrant une plongée dans les arcanes d’une profession encore mystérieuse et méconnue, et au passage en nous donnant des idées de lecture (si besoin était).

Un roman parfait pour se détendre et passer un bon moment avec une histoire sympathique narrée par une plume vive et alerte. Je recommande chaudement !

Aux Petits mots les grands remèdes (lien affilié)
Michaël URAS
Préludes, 2016

Chercher Proust, de Michaël Uras

En France, faire des études de Lettres, c’est forcément ne rien faire, puisque pour la plupart, lire c’est ne rien faire. Mes parents furent assommés de savoir que je voulais devenir « chercheur en Proust », pour eux ma passion confinait à la folie. Ils acceptèrent malgré tout de financer mes études. Je devais en contrepartie voir un psychologue et trouver un job pour ne pas être complètement dépendant.

Jacques Bartel, le narrateur, a une passion bien peu courante : Proust. Depuis qu’un de ses oncles lui a offert La Recherche du temps perdu, il est devenu littéralement obsédé par l’écrivain, au point, adolescent, d’avoir un poster de lui dans sa chambre et de se faire tatouer son nom sur le torse.

Plus tard, il devient chercheur en littérature, spécialiste de Proust, bien sûr. Mais en la matière, il est difficile d’être original, et Bartel se met à la recherche d’un mystérieux inconnu présent sur certaines photos, et qui serait la dernière personne vivante à avoir connu Marcel. Mais des événements étranges ne tardent pas à se produire…

Quelle lecture réjouissante ! D’une grande fantaisie, à la fois vif et drôle, plein d’autodérision et de tendresse, ce roman n’a pas été sans me rappeler, à certains moments, l’univers de Foenkinos par son côté un peu délirant.

Mais c’est aussi, bien sûr, une réflexion sur la littérature et le pouvoir des mots, qui parlera à ceux pour qui les grands hommes sont les écrivains, et rappellera de cuisants souvenirs à ceux qui se sont un jour mis en tête de devenir chercheurs en littérature (« Ah bon, ça existe ça ? Et ça cherche quoi ? » — question entendue souvent pour ma part, à laquelle je répondais « le sens de la vie ». Oui, j’ai toujours aimé les grandes phrases).

L’obsession du narrateur inquiète d’ailleurs sa famille : issu d’un milieu modeste d’immigrés italiens, il est doté d’un entourage qui ne lit pas et surtout pas Proust, effrayé que cette passion ne cache en fait une homosexualité non assumée, ce qui n’est pas du tout le cas, même si, de fait, admirer Proust n’aide pas beaucoup à draguer les filles, surtout quand cette admiration est quelque peu maladive.

Un excellent premier roman, tissé de références littéraires plus ou moins explicites, flirtant avec le fantastique par moments, qui donne envie de mettre Proust dans son sac de plage !

Chercher Proust (lien affilié)
Michaël URAS
Christophe Lucquin éditeur, 2012 (Livre de poche, 2014)