La presse est un combat de rue, d’Eric Fottorino : aux kiosques citoyens !

Si la presse écrite a perdu le combat du temps réel, elle peut gagner celui du temps long. A condition d’aller en profondeur, d’offrir des contenus de valeur, d’être authentique, agréable à lire — la presse écrite doit être bien écrite, une évidence —, de ne pas exclure le lecteur par abus de jargon ou d’allusions cryptées — le journalisme n’est pas un art de divination, ceux qui nous lisent ont droit à une information claire —, de fournir d’emblée les clés de compréhension du sujet — les lecteurs doivent être tenus pour intelligents, autre évidence —, de rappeler que la reine d’Angleterre est une femme — manière plaisante de dire qu’une pédagogie même élémentaire parfois s’impose. 

Je ne suis pas une lectrice de presse quotidienne. En revanche depuis que je sais lire je consacre une partie conséquente de mon temps et de mon budget aux magazines : aller chez le marchand de journaux est un de mes plaisirs ! Enfant c’était le Journal de Mickey et des trucs sur les animaux, plus tard Jeune et Jolie, Vingt Ans, puis tous les journaux possibles sur la mode (c’était mon sujet de recherches). Aujourd’hui ce sont plutôt des publications lifestyle, slowlife qui m’intéressent, et des mooks comme America ou Zadig ! Je ne suis pas très fidèle, j’achète surtout lorsque la thématique m’intéresse. J’aime découvrir de nouvelles publications aussi. L’essentiel c’est ce temps long que permet le papier là où internet est dans l’immédiat. Se poser dans le canapé, et tourner les pages (et après garder, ou bien découper les images qui m’inspireront pour mon journal artistique). Et du temps, on ne va pas en manquer les prochaines semaines, l’occasion de se plonger non seulement dans la lecture de la presse (commerce indispensable) mais aussi de cet essai qu’Eric Fottorino consacre au sujet.

Le point de départ de la réflexion est bien sûr le constat des profondes mutations de la presse, qui laissent craindre sa possible disparition. La première partie est donc consacrée à cette réflexion, et à l’expérience d’Eric Fottorino avec ses propres publications. Par la suite, l’essai se fait anthologie d’articles parus dans Le 1 au sujet de l’information : les origines de la faiblesse de la presse écrite française, la question de l’indépendance, les dérives du spectacle, et les grands témoins.

Il s’agit bien sûr ici d’un plaidoyer pour la presse écrite et le kiosque à journaux, qui n’est pas un combat d’arrière-garde. La presse écrite (et celui qui la vend) reste indispensable en ce qu’elle est complémentaire du numérique, permettant ce qu’il ne peut pas faire : hiérarchiser l’information, s’appuyer sur un long travail de recherches, réinventer, proposer richesse et diversité, attiser la curiosité, faire du kiosque un lieu de convivialité. Et bien sûr dans ce combat, le lecteur a un rôle essentiel : celui de continuer à lire la presse, celui de fréquenter son marchand de journaux (bon, évidemment là le moment est mal choisi pour dire ça), s’investir (y compris financièrement). Pour que vive une presse de qualité.

Et justement, Eric Fottorino, après America et Zadig, et en train de nous préparer une nouvelle revue mook qui s’appellera Légende :

Vous pouvez contribuer à sa naissance ici : CLIC

La Presse est un combat de rue
Eric FOTTORINO
Le 1 / L’aube, 2020

(Eric Fottorino propose aussi depuis lundi son Journal quotidien du COVID-19, c’est très intéressant)

Zadig : toutes les France qui racontent la France

Rendre la France lisible. C’est la première ambition de Zadig. Parce que nous croyons à l’écrit, nous rêvions depuis longtemps d’une aventure éditoriale qui raconterait notre pays. Chaque trimestre, Zadig le fera à sa manière. Avec des mots porteurs comme il est des murs porteurs. Au moment où notre société se fracture, nous avons la conviction qu’elle manque d’un récit à partager. C’est ce récit, tissé de tous les récits qui racontent la France d’aujourd’hui, que nous vous proposons. 

Raconter la France comme America raconte l’Amérique : tel est le dernier défi que s’est lancé Eric Fottorino. Baptisé du nom du célèbre personnage de Voltaire, ce mook nous propose un voyage à travers la France, celle que l’on oublie souvent : Le Guilvinec, le Havre, Vierzon, Le Creusot, Vesoul… Autant d’endroits qui ne font pas forcément rêver a priori, mais qui ont pourtant bien des histoires à nous raconter.

Construit autour d’un dossier, « Réparer la France », le trimestriel est d’une grande variété : des reportages, des enquêtes, des entretiens, des chroniques, des récits, un porte-folio, qui donnent la parole à nombre d’écrivains (Marie Darrieussecq, Christian Bobin, Maylis de Kerangal, Leïla Slimani, Régis Jauffret, Marie Desplechin, Leonor de Recondo) mais proposent aussi des textes plus journalistiques. A noter, entre autres, un fantastique entretien avec Mona Ozouf, un long (et passionnant) reportage en immersion avec les marins-pêcheurs, une magnifique histoire de coparentalité par Leonor de Recondo, un très beau texte de William Boyd qui explique pourquoi il a choisi la France. Et le très beau dossier, qui propose des solutions concrètes.

Zadig, c’est vraiment la presse comme on l’aime et telle qu’elle devrait toujours être : le choix de la lenteur éditoriale et des formats longs permet non seulement d’avoir vraiment de quoi lire (il vaut son prix, car outre la qualité des articles, le lire de la première à la dernière page prend plusieurs heures) mais surtout de se poser, de creuser les sujets au lieu de les effleurer, d’aborder des thèmes variés sans la contrainte de l’actualité, ce qui permet aussi un salutaire pas de côté : un autre point de vue sur les choses (l’article sur la fermeture des services publics est à cet égard extrêmement instructif), une autre manière de voir, des sujets que l’on ne voit pas partout et qui sont résolument enrichissant. Et la recherche de gens inspirants, qui font vraiment avancer le monde à leur niveau !

Bref, un magnifique réjouissant, comme une bouffée d’air frais, qui évite le manichéisme mais fait vraiment réfléchir sur notre société ! Bravo !

Zadig. Toutes les France qui racontent la France
n°1 – Réparer la France
Trimestriel. Le 1. 19€

Dépôt légal : la cuisine comme art de vivre

La cuisine pour moi est un véritable art de vivre. Il ne s’agit pas, seulement, du goût, de ce qu’on met dans son assiette, et qui bien sûr est essentiel : de bons produits, cuisinés avec amour et attention. Mais il s’agit aussi d’une expérience esthétique voire synesthésique : les odeurs qui mettent l’eau à la bouche, et surtout la vue, une belle présentation. Il y a aussi, dans la cuisine, le partage, la convivialité : je rêve un jour d’une grande cuisine ouverte (avec un plan de travail en bois), un bar autour duquel mes amis s’installeront pour savourer un (joli et bon) verre de vin quelques amuse-bouche disposés sur un bout d’ardoise ou une planche en bois, pendant que je laisserai libre-cours à ma créativité pour préparer le repas. Idéalement, il y aura, au fond, dans le salon, un feu de cheminée. Oui, je suis un cliché comme fille, vous le savez bien !

Bref. La cuisine comme art de vivre, c’est tout l’esprit de ce superbe mook créé par Christophe Adam, et qui s’appelle Dépôt légal, comme son restaurant (il a repris les bâtiments qui s’occupaient du dépôt légal des livres avant leur transfert à la bibliothèque), dont il reprend l’ambiance : de beaux matériaux, des espaces conviviaux, des produits de qualité… Organisé en fonction des moments gourmands de la journée (petit-déjeuner, déjeuner, tea time et « after » qui est à la fois l’apéritif et le dîner), il propose des recettes, des reportages sur des produits ou encore sur des professionnels de la gastronomie ou du vin.

Et c’est un délice, à la fois pour les yeux, parce que les photos de Guillaume Czerw sont d’une beauté à couper le souffle (et m’ont donné plein d’idées de présentation, notamment avec le bois qui est donc ma tocade actuelle), pour l’esprit car les articles sont vraiment passionnants, et à mon avis pour les papilles, car les recettes proposées, à la fois simples et raffinées en plus d’être jolies, donnent vraiment envie de les tester. Et de filer au Dépôt Légal, ce que je ne manquerai pas de faire.

Bref : si vous aimez la cuisine, les beaux produits et les photos qui donnent envie de lécher la page, n’hésitez pas.

Dépôt Légal
Christophe ADAM
La Martinière, bi-annuel