Cheminer d’arbre en arbre

Toujours dans mon projet poétique j’ai eu envie de me replonger dans ce magnifique poème d’Andrée Chédid, qu’il y a un an on a vu un peu partout mais malheureusement pas apprécié à sa juste valeur. Alors je le partage avec vous, en tout amour.

Destination : Arbre

Parcourir l’Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l’argile

Peu à peu

S’affranchir des sols et des racines

Gravir lentement le fût

Envahir la charpente

Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l’espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit

Évoquer ensuite
Au cœur d’une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l’asphalte Éloigné des jardins
Orphelin des forêts

Un arbre

Au tronc rêche

Aux branches taries

Aux feuilles longuement éteintes

S’unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Ecouter ces appels

Sentir sous l’écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies

Cheminer d’arbre en arbre
Explorant l’éphémère
Aller d’arbre en arbre
Dépistant la durée.

J’ai testé pour vous… faire son arbre généalogique

L’autre jour, ça m’a prise subitement, une nouvelle lubie : faire mon arbre généalogique. C’est amusant parce que, jusqu’à présent, je ne m’étais absolument jamais intéressée à mes ancêtres, mes racines (ne me demandez pas pourquoi : je n’en ai aucune idée), et m’étais toujours vue comme un être sans attaches, ancré nulle part. J’imagine que cette envie inédite de savoir d’où viennent mes ancêtres est un nouvel effet de ma middle-life crisis dont je me demande bien jusqu’où elle va m’emmener. Reste qu’en bonne obsessionnelle qui se respecte, maintenant que je me suis lancée là-dedans, je ne fais presque plus que ça…

Le plus compliqué, en fait, c’est de commencer, et d’avoir une première piste. D’autant que j’ai assez peu d’informations, à la base : j’ai collecté quelques renseignements dans mon entourage proche, qui me les a fournis sans plus s’étonner que ça de ma nouvelle manie (je pense qu’ils soupçonnent un nouveau projet d’écriture, ce qui n’est pas le cas pour l’instant, mais allez savoir avec la sérendipité), je me suis inscrite sur un site (au hasard, j’ai choisi geneanet), et puis, à partir des indices, et bien c’est comme une enquête policière, on remonte le fil, on assemble les pièces d’un puzzle, on émet des hypothèses qui se vérifient ou non. Internet facilite grandement les choses : outre les arbres généalogiques déjà faits par d’autres et qui parfois sont bien utiles pour remonter une branche, on peut consulter les archives en lignes (le plus dur, à partir d’une certaine date, est d’arriver à déchiffrer).

On tombe sur des choses émouvantes : l’acte de mariage de mes arrière-grands-parents par exemple, dont je me suis rendu compte, en remontant leur filiation, qu’ils étaient cousins (ils avaient les mêmes arrière-arrière-arrière-grands parents) et je ne parierais pas qu’ils le savaient, car ils se sont rencontrés au bal, par hasard, après la guerre (ah ça, c’était plus romantique que les sites de rencontre).

On tombe aussi sur des tragédies, comme ce couple dont les quatre premiers-nés, parmi lesquels trois garçons qui portaient le même prénom, sont morts à l’âge de deux mois : officiellement je m’en tiens à l’arbre direct, mais eux je les ai ajoutés parce que je me suis dit qu’ils ne seraient jamais dans l’arbre généalogique de personne…

Il paraît que parfois, on a des surprises : pour l’instant je n’en ai pas eu, je suis remontée jusqu’avant la Révolution, et je n’ai trouvé que des cultivateurs limousins nés et morts dans le même village : amusant pour moi qui ai la bougeotte (mais qui ai désormais envie de me fixer quelque part, si seulement je savais où !)

Bref, je me suis mise à la généalogie. Et vous, ça vous intéresse ?

Zou ! de Anne-Véronique Herter

Qui suis-je maintenant ? Comment dire d’où je viens et où j’aime aller si je n’ai plus la base de mon histoire pour m’y appuyer ? Quel sera mon objectif de l’été ? Ma plénitude quand je fermerai les yeux ?
J’avais une place, un rôle dans cette famille, dans cette maison, un pan d’histoire à écrire, tout simplement. Et maintenant ? La page est vide. Atrocement vide…

« Allez ! Zou ! » est une expression que j’utilise beaucoup, mais je ne m’étais jamais arrêtée sur sa signification avant de me plonger dans ce roman. Si ça se trouve, contrairement à ce que je crois souvent, j’aime aller de l’avant !

A la suite de la mort du père, la famille de Chance doit se séparer de la maison en Bretagne, trop grande, trop chère. Pour Chance, c’est un déchirement, mais peut-être aussi l’occasion de se reconstruire et devenir elle-même, par l’écriture.

Comme beaucoup de premiers romansZou ! prend la forme d’une confession, qui m’a énormément touchée, voire bouleversée. La question, ici, est de savoir comment parvenir à laisser partir le passé, et c’est évidemment un thème qui me parle, surtout lorsque, comme ici, la reconstruction passe par l’écriture.

Avec beaucoup de talent, Anne-Véronique Herter mêle les registres, passe de la fantaisie souvent drôle à la mélancolie la plus profonde. Les voix se succèdent, celle de Frédéric, celle de la page blanche, de la maison ou du muret, pour offrir un point de vue original sur l’histoire.

La voix qui domine est celle de Chance, et c’est peu de dire que cette héroïne m’a beaucoup émue, avec sa drôle de famille où se côtoient peintres, inventeurs, médiums et écrivains, une lignée hors du commun qui cohabite sans plus de façons avec les fantômes.

Ses peurs, ses angoisses, ses hésitations, et son attachement viscéral à la maison de son enfance. Racines, famille, histoire, mémoire, lieux, création : tels sont les thèmes de ce premier roman sincèrement très réussi, et que je vous encourage à découvrir !

Zou ! (lien affilié)
Anne-Véronique HERTER
Michalon, 2014