L’évangile selon Pilate, d’Eric-Emmanuel Schmitt

Il est urgent d’aimer

Comme les devins, les femmes ont tendance à mettre de la pensée partout, à lire l’univers comme un parchemin. Elles ne regardent pas, elles déchiffrent. Tout a toujours un sens. Si le message n’est pas apparent, il est provisoirement caché. Il n’y a jamais de faille, jamais d’insignifiance. Le monde est définitivement touffu.

Cela fait un moment que ce roman était dans ma bibliothèque : à une époque, je m’étais passionnée pour les réécritures romanesques des évangiles, à la suite de mon travail de recherche sur le mythe de Salomé (qui est d’ailleurs un des personnages secondaires ici), et j’envisageais d’en faire un véritable projet de recherches. Mais j’ai abandonné la recherche universitaire, et j’étais passée à autre chose. Mais l’autre jour j’ai eu envie de découvrir enfin ce roman.

Le roman est composé de deux parties : dans la première, Yéchoua (le Christ, donc) attend les soldats qui vont venir l’arrêter et en profite pour faire le bilan de sa vie et se remémorer les événements qui ont fait de lui celui qu’il est. Et on le découvre autre que l’image consacrée : on nous montre ainsi un Jésus adolescent révolté, qui est tout amour et se heurte aux dures lois du réel, celles de la bienséance qui l’empêchent de dire « je t’aime » à ceux qui comptent pour lui parce que ça ne se fait pas, celles de la religion, trop rigides pour l’être hors du commun qu’il est. Il n’aime plus Dieu, à qui il reproche d’avoir bâclé son travail. Et puis peu à peu vient la conscience, l’acceptation de son destin, au centre duquel il met l’amour, l’amour en général, pour tous les hommes, et non l’amour en particulier. Son message, c’est qu’il est urgent d’aimer.

Dans la seconde partie, la parole est donnée à Ponce Pilate, un des mal-aimés de l’histoire qui va être ici réhabilité. Pilate écrit à Titus suite à la disparition du corps de Yéchoua, et lui fait part à la fois de son enquête pour résoudre ce mystère et de son propre point de vue sur les événements. On a ici un Pilate cynique et ironique, souvent drôle, partagé entre son bon sens et sa volonté de rationnaliser les événements à tout prix, et le fait que justement, tout semble échapper à la raison, d’autant que son épouse, Claudia, est pour sa part convaincue de la réalité de la résurrection. Pilate amorce alors un voyage spirituel et mystique qui le conduit à devenir, peut-être, le premier Chrétien.

Une réécriture romanesque de l’Evangile

J’ai vraiment été séduite par ce roman, à la fois par l’originalité du point de vue adopté et par l’écriture, vraiment très agréable. L’auteur parvient à nous rendre Pilate sympathique, ce qui est tout de même particulièrement surprenant.

Si vous êtes intéressés par cette question de la réécriture des Evangiles, je vous conseille aussi :  
– King Jesus de Robert Graves
– L’évangile selon Jésus-Christ de José Saramago
– Et bien sûr le très mal compris La Dernière Tentation du Christ de Nikos Kazantzaki et son adaptation cinématographique par Martin Scorsese, magistrale.

L’Evangile selon Pilate (lien affilié)
Eric-Emmanuel SCHMITT
Albin Michel / Livre de Poche

2 réponses à « L’évangile selon Pilate, d’Eric-Emmanuel Schmitt »

  1. Avatar de Le Testament de Marie, de Colm Tóibín | Cultur'elle

    […] nouvelles versions. Après, entre autres, Robert Graves, José Sarramago, Nikos Kazantzákis ou Eric-Emmanuel Schmitt, c’est au tour de l’Irlandais Colm Tóibín de s’emparer de cette histoire […]

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  2. Avatar de cora85

    J’aime beaucoup ce roman, quoique un peu rébarbatif à mon goût.

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