La mort du désir
Je n’étais pas celui que croyait la petite jument, mais j’étais bien François Novel. Et si je n’avais jamais donné dans le roman d’amour, je l’avais laissé dire. Une fois que c’était écrit, je m’en lavais les mains. Je ne livrais pas le mode d’emploi, n’assurais pas le service après-vente. Je laissais lire. Roman d’amour, ça sonnait comme chanson d’amour, j’avais vite rejoint la rengaine, l’entertainment, le marché du hit. En ciblant le coeur, on touchait le coeur de cible. La brunette m’avait confondu avec ma doublure : Mister Love. L’écrivain de charme, l’homme qui savait parler des femmes, les peindre, les célébrer.
C’est un avis négatif qui m’a poussé vers ce roman, encore que l’auteur aurait peut-être suffi. Hubert Artus, que l’on ne peut pas accuser de manque de sérieux (et pourtant…), disait qu’il avait trouvé ce roman aussi décevant que Les Aimants. Alors, vu que j’avais pour ma part été bouleversée par Les Aimants, je me suis dit qu’Hubert Artus et moi avions sans doute des points de vue totalement divergents, et que s’il n’avait pas aimé, il y avait de grandes chances que je m’y retrouve…
François Novel, le narrateur, est écrivain, et passablement lassé de l’espèce humaine. Enfin, pas toute l’espèce humaine, mais tout de même. Et puis, alors qu’avec sa femme ils faisaient l’amour tous les jours depuis quinze ans, il n’y arrive soudainement plus.
Est-ce parce qu’il a pris conscience soudain, à la lueur d’un réverbère, du temps, inéluctable, qui passe et se marque sur le visage de sa femme ? Des petites ridules qui se dessinent sur sa peau ? En tout cas il ne la désire plus, et c’est bien un drame tant pour lui le désir et l’amour sont nécessairement liés.
Manque de désir passager ou fin de l’histoire, l’éloignement peut apporter la réponse. Ou pas.
Renaître de ses cendres
Alors une dernière chose et ensuite j’arrête avec Hubert Artus, mais j’avoue qu’il m’a passablement agacée sur ce coup-là dans la mesure où il s’appuie, dans son article, uniquement sur la deuxième partie de l’histoire et que donc il commet ce crime que j’estime mériter les pires tourments : révéler un événement qui arrive au milieu du roman. A cause de lui, je n’ai pas pu lire la première moitié comme je l’aurais fait si je n’avais pas su ce qui allait se passer, et je trouve que c’est pour le moins frustrant.
A part ça, je serai honnête en disant que ce roman m’a beaucoup moins bouleversée que le précédent, j’y ai trouvé un certain cynisme désabusé qui, je l’avoue, ne m’a pas totalement convaincue.
Plus que d’amour, le roman parle du désir, de sa circulation, de ses aléas, mais cela sombre parfois dans le glauque (la scène avec la chanteuse est d’une tristesse à pleurer…) et je ne suis pas forcément d’accord avec certaines réflexions du narrateur.
Cependant, certaines choses sont intéressantes, j’ai aimé l’importance du cinéma et de l’intertextualité, j’ai été amusée par les remarques de bon sens du narrateur (peut-être un peu misogyne parfois, il faut l’avouer) taclant les dérives d’un certain féminisme cherchant sans cesse à rallumer la guerre des sexes, j’ai apprécié aussi son regard sans complaisance sur le milieu littéraire.
C’est un roman que j’ai globalement apprécié, mais qui ne m’a pas transportée.
La Recherche de la couleur (lien affilié)
Jean-Marc PARISIS
Stock, 2012









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