Nicolas ne voulait pas apparaître dans son livre. Dès le début, ce fut une certitude. Il avait besoin de se détacher de sa propre histoire pour en raconter une autre. Pourtant, ce qu’il avait inventé prenait ses racines profondément en lui. Des racines qui puisaient dans ses émotions, son trouble, ses questions, ses recherches. Sa quête.
J’ai malheureusement loupé Tatiana de Rosnay au Salon du livre. Mais ce n’était pas une raison suffisante pour que je loupe aussi son dernier roman. Roman que j’avais dans ma ligne de mire depuis un certain temps, à vrai dire depuis que je savais que l’auteur avait remis son manuscrit à son éditrice : je piaffais.
Je dois avouer que Tatiana de Rosnay a été très forte sur le plan de la communication. Un jour, j’ai vu un certain Nicolas Kolt apparaître sur Instagram, ce qui n’a pu qu’éveiller ma curiosité : le jeune garçon se disait l’auteur d’un best seller, L’enveloppe, dont il montrait des éditions dans une multitude de langues, et parlait de l’Oscar obtenu par Robin Wright dans l’adaptation au cinéma du roman.
Or je n’avais jamais entendu parler de ce roman, ni d’un oscar pour Robin Wright. J’ai vraiment cru être entrée dans la quatrième dimension. Evidemment, petit à petit, j’ai compris : Nicolas est le héros de Tatiana de Rosnay, pour lequel, sur une idée de son mari et de ses enfants, elle a créé un compte sur Instagram. Du coup, tout ce teasing devenait assez rigolo à suivre. Bien joué, chère Tatiana !
Donc, Nicolas Kolt, comme je l’ai dit, est l’auteur d’un succès immense en librairie qui a été adapté au cinéma. Et ce qu’il raconte dans son roman, c’est, habilement masqué sous la fiction, sa propre histoire : lorsqu’il a découvert, en voulant faire renouveler son passeport, que son père, mort dans d’étranges circonstances alors que Nicolas était très jeune, ne s’appelait pas Théodore Duhamel, mais Fiodor Koltchine, né en Russie de père inconnu et d’une mère adolescente ayant fui le pays.
Pour l’heure, Nicolas passe le week-end dans un palace, est devenu égocentrique et prétentieux, et n’écrit plus une ligne. Mais ce séjour va venir tout bouleverser.
Pas de suspens : j’ai lu ce roman d’une traite. L’histoire elle-même, tout d’abord, est parfaitement construite et menée, alternant le présent et les analepses plus ou moins lointaines pour permettre au lecteur de reconstituer les pièces du puzzle.
Le personnage de Nicolas est particulièrement attachant, même s’il mérite, il faut bien l’avouer, quelques claques.
Mais ce qui m’a le plus intéressée, et on me reconnaitra bien là, c’est la réflexion qui est menée sur l’écriture et le petit microcosme littéraire. Le thème d’abord, semble-t-il dans l’air du temps, de la « peopleisation » de l’écrivain : grisé par son succès, Nicolas se flatte dans le regard des autres, et passe son temps à compter ses fans sur Twitter et Facebook (et c’est d’ailleurs de là que naîtront nombre de ses problèmes).
Une petite satire, l’air de rien, du petit monde littéraire : la critique odieuse et méchante, Laurence Taillefer (je ne m’avancerai pas à dire qui je crois avoir reconnu) ; l’éditrice super-puissante, Dagmar Hunoldt ; l’écrivain maudit à la tête grosse comme une pastèque (là encore je ne dirai pas à qui je pense) ; mais aussi le gentil critique qui devient un ami, et l’éditrice indépendante qui fait son travail avec cœur.
Bref, une très jolie galerie de portraits, assez amusante au final. Et puis, un chapitre que j’ai beaucoup aimé sur les petites manies des écrivains dans leur processus d’écriture. Je pense d’ailleurs m’en servir sous peu.
Au cœur de tout cela, bien sûr, cette question obsédante : qu’est-ce qu’un véritable écrivain ? Finalement, ce qu’on reproche à Nicolas, c’est de ne pas en être un, mais de n’être qu’un produit habilement marketé. Alors qu’il a juste besoin de temps pour se remettre du tourbillon médiatique et de retrouver son espace intérieur de création. Les gens n’ont pas compris qu’on ne pond pas des romans comme les poules pondent des œufs, à heures fixes.
Voilà donc un très agréable roman, divertissant et plaisant à lire tout en suscitant une réflexion intéressante sur la littérature. Je le recommande chaudement, même si je dois avouer que je suis un petit peu restée sur ma faim concernant certains points (Dagmar Hunoldt ?).
A l’encre russe (lien affilié)
Tatiana de ROSNAY
Héloïse d’Ormesson, 2013









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