Une réécriture de la Belle au bois dormant
Depuis le début de sa jeune existence, le Prince connaissait l’histoire de la Belle au bois dormant, qu’un maléfice avait condamnée, après s’être piqué le doigt sur un fuseau, à dormir cent ans, ainsi que ses parents, le Roi et la Reine, et toute la Cour.
Aujourd’hui si vous le voulez bien, revenons aux fondamentaux avec l’un des textes qui, selon moi, sont à l’origine de la vague actuelle de la littérature érotico-porno-sado-maso-clitoridienne.
Pas Pauline Réage dont je parlerai une autre fois, ni Emmanuelle Arsan (je n’ai vu que les films et franchement, ils m’ont fait autant d’effet qu’une conférence sur l’élevage des drosophiles), mais Anne Rice, célèbre pour ses vampires et ses sorcières mais qui, en 1983, a publié sous le pseudonyme d’A. N. Roquelaure ce petit bijou, qui n’a été traduit en français qu’en 1997 et que Robert Laffont a récemment réédité, le petit malin (je l’ai vu en tête de gondole à Carrefour récemment).
Il s’agit d’une réécriture du conte de la Belle au bois dormant, conte cher à mon cœur.
Tout commence comme on connaît : la Belle est endormie à cause d’une malédiction, et le Prince brave les dangers pour venir la réveiller.
Sauf que ce qui n’était que purement symbolique chez Perrault, avec la traversée de la forêt étroite, est ici clairement exprimé : il ne réveille pas la Belle d’un baiser mais en la violant, et l’emmène ensuite dans son château où elle devra lui servir d’esclave sexuelle pendant un an (c’est la coutume dans le coin) et où elle subira des sévices tous plus élaborés et pervers les uns que les autres.
De la domination
Là, on est dans du très haut niveau de perversité, au point qu’on se demande parfois où Anne Rice a été chercher tout ça.
Les sévices endurés par Belle sont extrêmement originaux et cruels, mais la dimension psychologique est essentielle. Ce que je veux dire c’est qu’on n’est pas chez Sade, la douleur n’est pas le but en soi (et le sang ne coule pas), elle est un moyen dans un dessein supérieur : celui de l’établissement d’un rapport de domination entre le maître et l’esclave dont il faut briser l’orgueil (en sachant que les esclaves en question sont de futurs souverains, qui doivent apprendre avant toute chose à obéir) et à qui il faut apprendre à se soumettre sans poser de question.
Et que les féministes se rassurent, la parité est respectée : si l’histoire se concentre sur Belle et son Prince, maîtres comme esclaves sont aussi bien des hommes que des femmes. Il s’agit donc bien plus que d’un simple roman (en trois tomes) à ne lire que d’une seule main : reprenant les codes du conte de fée, Anne Rice propose un ouvrage riche et complexe qui donne à réfléchir, qui ne plaira certes pas à tout le monde mais qui est cependant à découvrir.
Les Infortunes de la Belle au bois dormant. I. L’Initiation (lien affilié)
Anne RICE
Robert Laffont, 1997 (Pocket, 1999)









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