Sans la peur du Diable, il n’y a pas besoin de Dieu
Je n’avais pas revu ce film depuis que j’avais écrit cet article sur les conflits dans le roman éponyme d’Umberto Eco. Pourtant, il fait partie de mes films préférés, mais on ne peut pas toujours revoir les mêmes, n’est-ce pas…
En l’an 1327, le franciscain Guillaume de Baskerville se rend dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie, à l’occasion d’une controverse au sujet de la pauvreté de l’Eglise. Mais le lieu semble habité par le Diable : des moines sont retrouvés morts dans des circonstances suspectes. Guillaume, accompagné du jeune novice Adso de Melk, va mener l’enquête, décidé à montrer que le Diable n’est pour rien dans tous ces mystères.
Le film se présente comme un palimpseste du roman, à savoir plus une réécriture qu’une réelle adaptation, ce qui serait du reste impossible sauf à faire un film de quatre heures.
Annaud met l’accent sur la trame romanesque de l’enquête policière, donnant au film une allure de thriller, et l’ambiance pesante et angoissante de l’abbaye est parfaitement sensible. Les recherches de Guillaume (formidable Sean Connery) l’entraînent à la poursuite d’un meurtrier peu commun, puisqu’en l’occurrence il s’agit d’un livre.
Un livre qui tue, un livre à cause duquel on tue.
Ce choix évidemment conduit à gommer un peu les sujets de réflexion essentiels du roman d’Umberto Eco qui, bien que présents, sont moins creusés : la question du rire, qui est l’objet de plusieurs discours dans le roman, le problème de la pauvreté de l’Eglise (toujours d’actualité) qui passe un peu au second plan, la tension entre l’amour sacré et l’amour profane (même si la scène d’amour entre Adso et la jeune paysanne est l’une des plus mémorables du film).
En revanche, l’art cinématographique permet au contraire de mettre, me semble-t-il, encore mieux en valeur l’opposition entre la raison (celle de Guillaume et celle des livres, contenus dans une bibliothèque labyrinthique absolument exceptionnelle) et celle de la foi aveugle (incarnée par l’Inquisition) : l’incendie de la bibliothèque (scène mémorable entre toutes, et qui donnera envie de pleurer à tous les amoureux des livres), mis en regard avec les bûchers de l’Inquisition, est totalement significative à cet égard (et l’affiche le met également en valeur).
Du coup, je trouve qu’Annaud a bien réussi son coup : même si l’on peut regretter l’escamotage de certaines thématiques essentielles du roman, il parvient à faire un film riche et signifiant, qu’il faut absolument voir !
Le Nom de la Rose
Jean-Jacques ANNAUD
1986









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