Un de mes traits de caractère est que je m’avoue rarement vaincue. Parfois c’est négatif et on appelle ça de l’entêtement, mais parfois, aussi, c’est positif : c’est de la persévérance. Aussi, ne voulant pas rester un relatif échec avec l’art contemporain, me suis-je rendue à la présentation presse du deuxième volet de L’Etat du ciel au Palais de Tokyo, considérant que la présence de Jean de Loisy (président du Palais) et des artistes ne pourrait que m’aider à y voir clair.
Le principe de L’Etat du ciel, comme je l’avais dit, est de voir quel regard portent les artistes sur le monde contemporain. Ce deuxième volet est lui-même constitué de quatre mouvements.
Tout d’abord, les modules de trois artistes récemment diplômés de la Villa Arson et soutenus par la fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent. Vivien Roubaud propose deux créations : une première est constituée de la danse hypnotique d’une lame de scie circulaire qui déchiquette un matelas, une œuvre dont la création est aussi la destruction, et qui pose la question de l’accident.
La seconde est un ensemble de tubes de plexiglas remplis de pétrole polymérisé dans lequel ont explosé des feux d’artifice à combustion incomplète.
Ensuite Thomas Teurlai propose deux montages qui font appel à l’ouïe et qui se font écho l’une l’autre : une baie vitrée sur laquelle est posée une enceinte sonore propageant de temps à autre une vibration sourde rappelant la musique tibétaine, et une bouche d’aération de métro.
Enfin, Tatiana Volska propose des montages divers se fondant dans l’architecture du bâtiment.








Ensuite, trois interventions sur le bâtiment. La première est l’œuvre de Natalie Czech, intitulée « Il pleut » et réalisée en 2012 ; il s’agit d’un travail entre texte et image autour des calligrammes d’Apollinaire. La deuxième, d’Emilie Ding, est un ensemble de peintures à l’huile sur des panneaux en béton dont les motifs sont des sortes de fantômes de l’histoire du bâtiment du palais de Tokyo. Enfin, Sheila Hicks propose un espace public, entre les différentes expositions, constitué autour de ballots de fibres qui ressemblent à de gros coussins colorés. Je n’ai réussi à prendre qu’une photo potable que de cette dernière :

Ces deux formes, les modules et les interventions sur le bâtiment, m’ont plutôt plu et j’ai été très intéressée par le travail conceptuel de recherche et de réflexion derrière la production elle-même.
Mais ce qu’il ne faut pas manquer à mon avis dans ce volet, c’est l’exposition d’Hiroshi Sugimoto, artiste dont j’avais déjà rencontré le travail chez Boucheron.
L’idée, intitulée Aujourd’hui, le monde est mort [lost human genetic archive]est de proposer une sorte de musée labyrinthique de l’espèce humaine. Le parcours est constitué d’une trentaine de scénarios, racontés par différents personnages fictifs et commençant tous par « Aujourd’hui, le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas », référence apocalyptique à Camus : un apiculteur qui constate la désertification du monde suite à la mort des abeilles, un spécialiste des religions comparées ou encore un homme politique qui choisissent de préserver (ou non), pour le futur, leur patrimoine génétique individuel.
Tout est ruine, et le visiteur ne peut qu’être saisi par cette évidence que l’espèce humaine, peut-être, est vouée à disparaître.












Enfin, le dernier point est plus une performance qu’une exposition. Avec « Flamme éternelle », Thomas Hischhorn propose une œuvre qui se construit collectivement, une action réflexive à laquelle philosophes, écrivains, poètes et surtout public sont invités à participer : chacun apporte son combustible pour que la flamme ne s’éteigne pas.
Chaque jour, sans qu’on sache qui ni quand (à part l’artiste, toujours présent) ont lieu des lectures, des débats, autour de deux agoras où brûle une flamme. On peut aussi s’installer pour lire dans des canapés recouverts de chatterton, surfer sur internet mis gratuitement à disposition, manger un hot dog pas cher. L’ensemble permet la naissance d’une publication gratuite et quotidienne. Cette exposition est gratuite, afin que tout le monde puisse s’y rendre tous les jours !





Bref : j’étais ravie, parce qu’enfin, dans les grandes lignes, j’ai compris, et j’ai apprécié notamment le fait que la plupart des expositions soit liée, finalement, à l’écriture.
L’Etat du ciel – Partie 2
Palais de Tokyo
25 avr – 23 juin : Les Modules – Vivien Roubaud, Thomas Teurlai, Tatiana Wolska (Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent)
25 avr – 07 sept : AUjOURD’HUI, LE MONDE EST MORT [LOST HUMAN GENETIC ARCHIVE] – Hiroshi Sugimoto
25 avr – 23 juin : FLAMME ÉTERNELLE- Thomas Hirschhorn (gratuit)









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