Des images du passé lointain se pressent sous mon crâne et la moitié du temps je suis incapable de dire si ce sont des souvenirs ou des constructions de l’esprit. Ce n’est pas qu’il y ait une grande différence entre les deux, si tant est qu’il y en ait une d’ailleurs. D’aucuns affirment que nous inventons à mesure et à notre insu, que nous brodons et enjolivons, et j’aurais tendance à être de leur avis, car Mme Mémoire est une grande et subtile hypocrite.
C’est avec ce roman que je lance le grand bal de la rentrée littéraire 2014. Il faut dire : comment résister à ce titre et à cette couverture, absolument magnifiques ?
Alexander Cleave, un comédien de théâtre, a aujourd’hui 60 ans. Il se souvient qu’à l’âge de 15 ans, il a vécu le temps d’un été une histoire d’amour avec une femme de 35 ans, la mère de son meilleur ami. A ces souvenirs se mêlent ceux du suicide de sa fille, dix ans auparavant. Et, dans le présent, on vient de lui proposer un premier rôle dans un film…
Je ne suis pas très satisfaite de ce résumé, et j’ai envie de dire qu’il ne faut pas s’y arrêter, car le roman est beaucoup plus riche que l’histoire qu’il nous raconte.
La lumière des étoiles mortes est avant tout une plongée fascinante dans le travail de la mémoire. Comment nous reconstruisons notre passé, comment nos souvenirs sont toujours partiellement fictifs, ces souvenir-écran qui finalement nous construisent autant que nos expériences réelles.
Il y a parfois un hiatus entre le souvenir ancré en nous et la vraisemblance, on se souvient d’événements que l’on sait être faux et on en a pourtant une image précise. Les souvenirs se superposent, parfois infléchis par le rêve et l’imagination.
Parfaitement maîtrisé, d’une insondable profondeur, ce roman éminemment proustien est aussi d’une grande poésie, avec des motifs récurrents, comme celui de Vénus.
Mais si en le lisant on pense à la mythologie, c’est évidemment le nom d’Œdipe qui vient à l’esprit, avec cette histoire étrange d’une femme de 35 ans qui prend pour amant le meilleur ami de son fils, histoire qui met mal à l’aise bien sûr, d’autant que l’on s’interroge longtemps sur le personnage féminin, incompréhensible et énigmatique, mais qui s’éclaire un peu à la fin.
Certains passages sont déchirants, et j’ai souvent eu les larmes aux yeux.
Je conclurai en disant que ce roman absolument fascinant est l’un des indispensables de cette rentrée littéraire. Cela commence donc très fort, comme vous le voyez !
La Lumière des étoiles mortes (lien affilié)
John BANVILLE
Robert Laffont, Pavillons, 2014









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