Mais, recroquevillée dans son terrier, elle se sent parfaitement à l’abri. Rien du monde des hommes ne peut l’y atteindre. Elle sait que la lumière du jour, le bruit (les voitures, les coups), tout finira, bientôt. Les nuages viendront couvrir le ciel d’hiver, le flux des voitures entrant dans la ville tarira, le Gros partira au travail. Elle se sentira à nouveau seule, à nouveau loin ; elle aura vaincu ; elle n’ouvrira jamais.
Le syndrome de Diogène, qui doit son nom au philosophe grec Diogène le cynique, est un trouble du comportement, assez peu connu du reste, qui touche surtout les personnes âgées isolées, les poussant à négliger totalement l’hygiène et à accumuler chez elles toutes sortes d’objets hétéroclites.
C’est ce syndrome qui touche le personnage de ce roman.
Elle n’a plus de nom, ou du moins elle ne s’en souvient pas. Son appartement est devenu un terrier insalubre, sorte de cocon protecteur où s’accumulent les cafards. Elle n’ouvre plus la porte à personne, refuse de parler, et observe le monde par la fenêtre. Mais tout cela incommode les voisins…
Le moins que l’on puisse dire est que cette rentrée littéraire n’est pas placée sous le signe de la joie de vivre, car voilà encore un roman sombre, qui d’entrée de jeu met le lecteur mal à l’aise, le prend à la gorge et aux tripes, le malmène. Dès les premières lignes en effet se met en place une véritable poétique de l’ordure, de la saleté, de la puanteur, qui a quelque chose de très genetien — j’ai beaucoup pensé aux Paravents en lisant ce texte, car on y trouve la même folie, la même horreur, le même rejet. La description reste assez froide, presque clinique, et pourtant, la manière dont elle se déploie ne peut que toucher. L’isolement absolu de cette femme. Le drame qu’elle a sans doute subi pour en arriver là. Le retour à une sorte d’état sauvage, animalisé. La mécanique implacable de la tragédie qui se met en place dans cet espace-temps resserré à l’extrême, angoissant et étouffant. Jusqu’à l’ultime moment.
Un roman fort, brillant, mais qui demande d’avoir le coeur bien accroché !
Lu par Hérisson
Madame Diogène
Aurélien DELSAUX
Albin Michel, 2014
7/12
By Hérisson









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