Lire, c’est voir le monde par mille regards, c’est toucher l’autre dans son essentiel secret, c’est la réponse providentielle à ce grand défaut que l’on a tous de n’être que soi.
Je ne sais pas résister aux histoires d’écrivains. Et je ne sais pas non plus résister à Serge Joncour, qui avait éveillé ma curiosité pour son dernier né en m’en parlant, sur un ton mystérieux, lors de l’inauguration du salon du livre. Alors vous pensez bien !
Le narrateur se rend pour un mois de résidence dans une petite ville du Morvan. Au programme : dédicaces, ateliers d’écriture, rencontres avec les lecteurs et pince-fesses alcoolisés. Mais le jour de son arrivée, il tombe sur un article du journal local relatant un fait divers survenu dans la région : la disparition d’un vieux propriétaire terrien richissime.
Tout accuse ses locataires, un couple de marginaux venus de l’Est, Aurelik et Dora, du forfait. Aurelik est en prison, Dora sous surveillance, et notre auteur est fasciné par sa photo. Et en creusant un peu, il se rend vite compte que dans le coin, chacun semble avoir quelque chose à ce reprocher.
Ce roman, qui aurait pu s’intituler Splendeur et misères de l’écrivain en résidence, est avant tout fort drôle, avec un petit côté David Lodge dans le satirique : maladroit et attachant, notre narrateur a tout de même un don certain pour s’attirer des ennuis et se mettre dans des situations délicates. Comme tout écrivain qui se respecte semble-t-il, il boit beaucoup, se perd dans les bois, fait tomber des choses, arrive toujours en retard et tombe amoureux de la fille que peut-être il ne faudrait pas.
De fait, ce roman ne donne franchement pas envie d’aller vivre à la campagne, en tout cas celle-là : entre querelles de Clochemerle, coups bas et magouilles invraisemblables, tout le monde qui sait tout sur tout et passe son temps à observer son voisin, on ne sait plus où donner de la tête et le lecteur est aussi perdu que le narrateur.
Mais qu’importe, car ce thriller burlesque (!) est aussi une jolie histoire d’amour, émaillée de très belles pages sur la vie d’écrivain et les livres. La vraie vie de l’écrivain, dont la croix semble être tous ces gens qui pensent que leur vie ferait un bon roman, dans laquelle Serge Joncour met beaucoup de lui-même, se brouille avec la fiction et l’invraisemblable (on l’espère !) pour notre plus grand plaisir.
Une jolie lecture, qui fait du bien dans cette rentrée littéraire un peu dépressive !
L’Écrivain National (lien affilié)
Serge JONCOUR
Flammarion, 2014









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