Les articles pleuvent sur ce dernier roman d’Emmanuel Carrère, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont contrastés.
Pour ma part, on le sait, ce texte m’a illuminée.
Mais il y a un point dont je n’ai pas parlé dans mon article, déjà fort long, et qui apparemment laisse beaucoup de monde perplexe pour ne pas dire plus.
Il s’agit d’un passage dans lequel Emmanuel Carrère, par un processus d’enchaînement des idées assez troublant pour qui n’en a pas l’habitude, passe d’une réflexion sur Luc et la Madone à la description d’un film pornographique. Dit comme ça, effectivement, ça peut perturber, et apparemment, dit autrement, ça perturbe aussi, car on a l’impression que ce passage tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
Je n’ai pas eu cette impression, et pas seulement parce que je suis une vilaine provocatrice iconoclaste.
En réalité, ce passage, je le connaissais déjà, et il m’avait fait si forte impression qu’il m’avait même inspiré un texte (par le même style d’enchaînement des idées que décrit plus haut : en fait, ce que j’ai écrit n’a strictement rien à voir avec le texte de départ).
Alors si je l’avais déjà lu, ce n’est pas parce que Carrère m’envoie ses textes pornographiques ; c’est parce qu’il l’avait déjà publié, dans le collectif L’Élégance dirigé par Nathalie Rykiel.
J’écrivais de ce texte (je cite pour ceux qui auraient la flemme de cliquer) : mon coup de cœur va, bien sûr, à Emmanuel Carrère, qui a l’audace de proposer un texte où se côtoient saint Luc et la masturbation féminine sur les sites pornographiques, tout en arrivant finalement à retomber sur l’élégance, dans un texte absolument fascinant, charnel, puissant (et qui lui ressemble de manière extraordinaire).
Donc, ce texte préexistait au Royaume. Ou, plus exactement, Carrère l’a écrit alors qu’il travaillait au Royaume.
A partir de là, deux hypothèses : soit Carrère est un peu paresseux, et il a intégré un texte déjà écrit pour faire des pages en plus ; soit, et c’est ce que je pense, ce passage est important car dans ses œuvres Carrère nous livre son processus de création, et ce passage sur la pornographie fait bel et bien partie de son processus de création. Et la question qu’il y pose, celle de la chair, n’est pas si anecdotique que ça.
Bref, je pense que Carrère aurait dû mettre une note sur ce passage (que manifestement peu de gens connaissent), qui a bel et bien sa place dans le livre mais peut en effet avoir l’air de ne pas l’avoir…









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