Tuez-moi ou prenez-moi comme cela, car je ne changerai pas.
Non, je ne suis pas obsédée par Sade, je ne vois pas pourquoi vous dites ça. Ou alors juste un peu. Bref. Toujours est-il que l’autre jour, après Ça balance à Paris était diffusé un nouveau volet de la formidable émission de David Abiker La Grande Expo, émission que j’essaie de ne pas louper car elle constitue une excellente introduction aux grandes expositions du moment, et que c’est intéressant même lorsqu’on n’a pas prévu d’aller voir l’exposition en question. Et ce volet était donc consacré, vous l’avez compris, au marquis de Sade et à l’exposition d’Orsay. De fait, ça ne m’a pas servi d’introduction puisque je suis déjà allée voir l’exposition, ainsi que celle de l’Institut, mais j’ai pu approfondir la question sadienne.
L’émission, sorte de biographie agrémentée de témoignages d’experts (mais bizarrement, pas Michel Onfray, dont l’ouvrage sur Sade s’était d’ailleurs fait dézinguer par Arnaud Viviant juste avant. Bref). L’idée est de montrer comment par la mise en scène et la théâtralisation de la sexualité, Sade plonge dans les abîmes de l’âme humaine et met au jour nos pires fantasmes.
Sade, c’est d’abord une vie et une oeuvre scandaleuses : celle d’un homme qui rejette Dieu, la morale et les lois. Or, il n’est pas inutile de le rappeler (ce que fait très bien l’émission, dont l’une des forces est la contextualisation) : s’il est facile, aujourd’hui, en France, d’afficher ouvertement son athéisme et de rejeter la religion, à l’époque c’est un crime, et finalement, c’est bien plus le blasphème qui pose problème à l’époque que la cruauté et la violence puisque, étant aristocrate, rien ne lui est interdit, à condition de rester discret*. Mais justement, Sade ne veut pas rester discret : il ne veut pas seulement transgresser, il refuse de voiler sa transgression, car elle est affirmation de sa liberté. Et sa pensée, c’est une pensée de la liberté avant d’être une pensée de la violence : l’origine de tout, c’est la volonté de jouir de la vie, et c’est cette jouissance qui est liée à la violence, dans la recherche d’un plaisir égoïste.
Une grande partie de l’émission est bien évidemment consacrée à l’écriture, et à la manière dont Sade échappe à la folie grâce à elle.
Sade, finalement, est un précurseur : bien avant Freud, il met au jour les pulsions qui nous habitent tous, jusqu’aux plus criminelles, et sur lesquelles la psychanalyse mettra le nom de perversion sexuelle. Mais ce qui est en jeu, c’est le côté sombre et inquiétant du désir que Sade, en explorateur des souterrains de l’âme, a révélés, au péril de sa vie. Car il n’est pas bon de mettre l’homme face à ses démons, et il l’a payé cher.
Bref, une émission passionnante, comme d’habitude, dommage qu’il n’y ait pas de replay. Néanmoins, je vous conseille vraiment de la regarder si vous en avez l’occasion : la programmation est un peu aléatoire, mais tous les numéros valent le coup d’oeil !
* Je précise ma pensée parce que ma phrase n’est pas très claire : évidemment, Sade était de fait un délinquant sexuel et c’est très mal. Mais ce n’est pas ce qu’on lui a reproché : à l’époque, il pouvait bien violer qui il voulait, vu qu’il était marquis ça ne dérangeait pas grand monde, en fait. Je ne cautionne évidemment pas cet aspect du personnage, mais je me place dans le contexte de l’époque.









Répondre à Bernieshoot Annuler la réponse.