Finalement je commençai à écrire un journal. Exprimer la violence de mon désarroi me faisait du bien. Je confiai au papier ma passion, mes obsessions, mon humiliation. Je pris conscience que je nourrissais envers Alfred une immense rancœur et que si je désirais si fort le reprendre, c’était pour sortir vainqueur de notre combat. Je ne supportais pas l’idée d’une aussi avilissante défaite.
Je ne suis pas une adepte de George Sand l’écrivain : j’ai lu La Petite Fadette lorsque j’avais 12 ou 13 ans, j’ai failli en périr d’ennui, et j’en ai gardé l’idée que Sand abordait des sujets qui ne m’intéressaient pas.
Par contre, la femme a toujours éveillé ma curiosité, et notamment, bien sûr, sa vie amoureuse, assez dissolue pour l’époque, il faut bien le dire : sa liaison destructrice avec Musset (à qui je voue un culte), son histoire avec Chopin… de quoi intéresser l’éternelle amoureuse que je suis, et c’est donc avec enthousiasme que j’ai attaqué ce roman, qui se penche sur le pan de sa vie que Sand a occulté dans ses mémoires afin de donner d’elle une image plus… respectable ?
Nohant, juin 1876. A la mort de Sand, sa fille Solange tombe sur trois carnets secrets, intitulés « Carnets à détruire après ma mort ». Mais Solange ne respecte pas cette volonté et se met à lire ces trois volumes qui vont du voyage en Italie avec Musset à la séparation avec Chopin.
Bien vite, on comprend que les deux femmes, dont les voix alternent tout au long du roman, étaient irrémédiablement en froid, mais ce n’est qu’à la fin qu’on comprend pourquoi.
J’ai beaucoup aimé ce roman bio-fictif (c’est un roman, mais qui repose sur des faits avérés) au dispositif narratif extrêmement intéressant, puisqu’il permet de faire dialoguer deux femmes qui ne s’adressaient plus la parole : Sand, dont nous lisons les carnets, et Solange, qui a parfois un point de vue différent sur les événements, et qui n’est pas épargnée par sa mère dans les carnets.
Evidemment, ce qui est au cœur de cette histoire, c’est la vie amoureuse assez mouvementée de Sand, qui, en vrai cœur d’artichaut, est à la fois inconstante et sincère, en ce qu’elle croit, à chaque fois, que c’est pour la vie.
Alors elle se donne, entièrement, passionnément à ces hommes, tout comme elle se donne à l’écriture, autre motif important du roman : différente avec chacun, elle est toujours passionnée. Bien sûr, les deux hommes les plus importants sont Musset, gamin totalement insupportable avec lequel elle manque de se brûler les ailes, et Chopin, touchant et émouvant, et en lequel je me suis parfois beaucoup reconnue.
Mais si Sand était une grande amoureuse, elle apparaît en revanche comme une très mauvaise mère avec sa fille, qui lui reproche de ne jamais l’avoir comprise. Et, de fait, Sand se montre à l’occasion injuste, incohérente et même hypocrite. En tout cas, les relations mère-fille sont complexes dans ce roman, qui rétablit un dialogue brisé.
Bref, un roman passionnant sur une femme riche et complexe, et qui donne envie de soirées d’été à Nohant avec les plus grands esprits du temps !
George Sand. Les carnets secrets d’une insoumise (lien affilié)
Catherine HERMARY-VIEILLE
XO, 2014









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